Musée Amos Rex – Formidable confirmation du Lasipalatsi Tuomas Uusheimo Tu

Construit en 1936 pour un usage temporaire, le Lasipalatsi (palais de verre) demeure aujourd’hui l’un des lieux incontournables d’Helsinki. D’architecture fonctionnaliste, il a été érigé sur l’emplacement des bâtiments de la caserne de Turku, détruits pour la plupart au cours de la Guerre civile finlandaise de 19181.

En 2016, le musée Amos Anderson Art a décidé d’y installer sa collection. Depuis novembre 2018, le Lasipalatsi accueille ce qui s’appelle désormais l’ensemble musée Amos Rex.

Vue de la cour du Lasipalatsi. Le pavé épouse la forme des dômes qui abritent les salles d’exposition du musée Amos Rex. Photo : Tuomas Uusheimo Tu

 

Restaurer en honorant le passé

À l’époque de sa construction, dans les années 1930, le bâtiment rompait avec la tradition architecturale néoclassique que l’on trouvait à Helsinki, dont le tissu urbain s’inspirait de Saint- Pétersbourg. Il a été pensé avec avant-gardisme par trois jeunes architectes finnois, Viljo Revell, Helmo Riihimäki et Niilo Koko. Il se rapprochait des idées de Le Corbusier par ses piliers apparents en rez-de-chaussée, ses fenêtres en bandeaux à l’horizontale et à la verticale en rythme à l’étage et ses toits-terrasses donnant à l’ensemble un profil aérodynamique. À l’intérieur, on trouvait de grands espaces libres permettant la circulation et la mise en valeur d’escaliers tournants en vis ou en entre-murs.

Initialement, le bâtiment devait accueillir les différentes délégations des Jeux olympiques de 1940 (qui furent reportés à 1952 après la Seconde Guerre mondiale). Il a finalement été aménagé en restaurants, boutiques de toutes sortes et en une salle de cinéma, le Bio Rex.

Les Finlandais se sont grandement attachés à ce lieu qui s’est pourtant vu menacé à quelques reprises par l’ampleur toujours plus considérable de l’urbanisation au centre-ville.

« En Finlande, il existe cinq niveaux de classification patrimoniale, ce qui permet de donner de la souplesse à la restauration. Dans le cas du Lasipalatsi, nous avons été confrontés au niveau le plus élevé, donc, aux plus grandes exigences patrimoniales pour les différentes étapes de sa restauration architecturale. » 
Katja Savolainen, architecte – Photo : Agence JKMM

 

Dans les années 1980, on a tenté de le rénover en se contentant d’appliquer une simple peinture jaune sur son mortier gris. Il n’a obtenu ses lettres de noblesse qu’en 1998, lorsque les citoyens d’Helsinki ont fait campagne contre sa destruction. Il a finalement été classé monument historique et reconnu par le groupe Docomomo (organisme international à but non lucratif dont l’acronyme signifie « Documentation, conservation de bâtiments, sites et quartiers du mouvement moderne »). Il est aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre finlandais du prémodernisme.

En 2016, le musée Amos Anderson contacte l’agence JKMM pour lui demander de créer un espace muséal dans la cour du Lasipalatsi. Katja Savolainen, architecte en patrimoine, sera responsable de la restauration du bâtiment. Jusque-là, ses collections d’art finlandais du XIXe et XXe siècles étaient réunies dans un bâtiment néoclassique édifié en 1913 pour Amos Anderson (1878-1961), collectionneur, entrepreneur, propriétaire d’un journal et membre du Parlement finlandais.

ENCKELL, Magnus. Boys on the Beach, 1910, huile sur toile, 78 x 101 cm, Amos Rex Art Museum – Collection Sigurd Frosterus. Photo : Stella Ojala/Amos Rex.
La collection de Sigurd Frosterus a été déposée au musée Amos Anderson il y a vingt-cinq ans. Elle est maintenant installée au musée Amos Rex. Elle comporte des tableaux de peintres impressionnistes et pointillistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, dont le peintre finlandais Enckell, précurseur du colorisme avec ses bleu azur, rose poudre, vert tendre et noir charbon.

 

L’espace muséal est tout à fait adapté à l’art visuel contemporain, comme l’illustre l’exposition d’ouverture conçue par le Team Lab de Tokyo. L’équipe d’artiste présentait des images qui reconfiguraient la réalité, invitant le spectateur à réagir. Photo : Tuomas Uusheimo Tu

 

Un trésor bien gardé

Pour répondre à la demande du musée désirant édifier un nouveau pavillon plus moderne, l’agence JKMM a proposé un plan architectural audacieux de salles de musée utilisant à la fois la cour intérieure du Lasipalatsi, qui avait vu défiler des parades militaires au lendemain de la Guerre civile finlandaise avant d’être fermée plus tard par des baraquements, et tout l’espace souterrain du site. Nouvelle époque, nouveau renouvellement, mais cette fois, avec une grande créativité.

Éclairage des hublots permettant de faire entrer la lumière naturelle dans le musée Amos Rex et d’apercevoir inversement les salles d’exposition ou la cour du musée.
Photos : Tuomas Uusheimo Tu et Mika Huisman

 

« Le musée situé dans un espace public majeur d’Helsinki s’inscrit dans une démarche de nouvelle culture urbaine », affirme l’architecte Asmo Jaaksi, fondateur de l’agence JKMM et responsable du projet Amos Rex. Et l’architecte ajoute « qu’il était important d’intégrer cette architecture pionnière finlandaise dans l’espace moderne du musée ».

Le bâtiment est effectivement unique, avec sa base en souterrain et ses demi-dômes émergeant dans la cour tels des icebergs. Sept hublots percent ses sommets de différentes tailles, le plus grand d’entre eux ayant une portée de 36 mètres. À l’intérieur, leurs plafonds sont recouverts de pastilles rattachées les unes aux autres pour former une espèce de grand plafond crocheté. Les dômes couvrent 2 200 mètres carrés de salles d’exposition. La plus petite, reproduisant à l’identique la salle principale, est destinée à des ateliers pédagogiques.

 

Croquis du projet du musée Amos Rex esquissant les dômes émergeant dans la cour du site Lasipalatsi et les voûtes des plafonds en souterrain.

 

Plan au sol du projet au 2e étage présentant les fonctions de chaque pièce du Lasipalatsi et figurant l’emprise des espaces muséaux dans la cour. Formant un rectangle à trois corps de bâtiment fermés, il crée dans une cour intérieure un espace public permettant le va-et-vient des passants. Croquis : Agence JKMM 

 

Chaque salle possède un plancher à cubes de caoutchouc qui facilite le déplacement des cloisons entre deux expositions. La flexibilité de l’espace permet aux conservateurs de créer l’échelle et la taille spatiale muséale dont ils ont besoin. Les hublots laissent pénétrer la lumière naturelle dans l’espace enclos. De l’extérieur, ils apparaissent dans la cour du Lasipalatsi telles des bouches ouvertes de poisson, tandis que les pavés forment des monticules imitant des écailles. Au milieu de la cour se dresse le point phare de la structure architecturale : une ancienne cheminée transformée en horloge qui abrite le système de ventilation et diffuse un faisceau de lumière la nuit.

L’éclairage du Lasipalatsi a été remis à neuf par l’agence JKMM et supervisé par l’architecte spécialiste du patrimoine Katja Savolainen. Le néon extérieur du cinéma Bio Rex (Photo d'ouverture du texte) a aussi été remis à neuf en gardant les couleurs d’origine.

Photo : Tuomas Uusheimo Tu

À l’intérieur, la salle de cinéma accueille plus de 550 places. Les luminaires ont été dessinés comme à l’époque de sa construction en 1936 par le designer finlandais Paavo Tynell (1890-1973).

Photos : Tuomas Uusheimo Tu

Les escaliers du hall de réception, tournant en vis, et ceux en entre-murs, les zones d'accueil, de circulation bénéficient d'un éclairage raffiné. Les pièces du musée sont mis en valeur par les espaces ouverts créant des vues dégagées.

1 Note de l’auteure : La guerre civile finlandaise fut une période trouble au moment où le grand-duché de Finlande, composante de l’Empire de Russie, s’apprêtait à devenir un État indépendant.

 


Articles récents

Portrait des lieux de culte nés de l’immigration récente

Portrait des lieux de culte nés de l’immigration récente

Les recherches ayant mené à la publication d’un article consacré au patrimoine religieux nous ont fait réaliser qu’un patrimoine parallèle laissé peu de traces dans notre mémoire collective.


Lire la suite
Centre d’art de Kamouraska - Marier création et paysage

Centre d’art de Kamouraska - Marier création et paysage

Logé dans l’ancien palais de justice, le Centre d’art de Kamouraska se distingue bien entendu par sa signature architecturale, et tout autant par l’environnement paysager dans lequel il s’inscrit.


Lire la suite
Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts

Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts

Notre collaboratrice Manon Sarthou nous propose la visite de la Cité internationale de la langue française, aménagée au château de Villers-Cotterêts édifié pour François 1er en 1532.


Lire la suite
Magazine FORMES
6 numéros pour seulement 29,95 $

Restez informé avec
notre infolettre

M’inscrire...
Merci pour votre inscription, vous devez maintenant confirmer votre abonnement par courriel. Consultez votre boîte de réception.

Vous n’avez pas de compte ?

Créer un compte