Oodi – Ode à la vie intellectuelle et urbaine ALA Architectes

Le 6 décembre dernier, veille de la fête nationale de l’indépendance de la Finlande, avait lieu à Helsinki l’inauguration de la bibliothèque centrale Oodi (« ode » en finnois). Le projet est signé ALA Architectes, firme d’Helsinki lauréate d’un concours d’architecture international qui a attiré 544 agences. Antti Nousjoki, architecte associé, nous a accordé un entretien à la bibliothèque, dont il est visiblement très fier.

Nouvelle venue sur la place publique

Située dans le quartier centre de Kluuvi, devant la Kansalaistori (place du Citoyen), la bibliothèque est entourée de bâtiments nationaux majeurs : le parlement à l’architecture néo-classique édifié en 1936, le Centre musical d’Helsinki à l’architecture moderne et le Musée d’art contemporain Kiasma à l’architecture postmoderne. Elle se greffe dans un style tout à fait à part avec sa canopée en bois d’épicéa finlandais et sa demi-voûte en berceau rampant s’avançant au-dessus de la place tel un surplomb surdimensionné.

Du côté de la place du citoyen, la bibliothèque dessine des vagues sculpturales de bois et de verre sous lesquelles les visiteurs viennent se glisser pour entrer. Source : ALA Architectes

ALA Architectes a voulu lui donner un aspect très fonctionnel, notamment avec cette avancée qui abrite des intempéries. « Mais c’est aussi un lieu inspirant par sa mise en avant des us et coutumes des habitants d’Helsinki avec des activités qui correspondent à l’expression culturelle finlandaise et au mode de vie d’aujourd’hui », note Antti Nousjoki. Effectivement, nous avons pu observer au premier étage des activités « arts and crafts » à la fois ancrées dans les traditions finlandaises et modernisées. Par exemple, du mobilier de chaises berçantes disposé en cercle sert à l’activité du tricot, mais des machines à coudre sophistiquées sont posées sur de grandes tables pour coudre des bannières ou des voiles de bateau. Il est également possible de créer des sculptures grâce aux imprimantes 3D mises à la disposition des visiteurs. « On espère une fréquentation de 10 000 personnes par jour », estime Antti Nousjoki.

Bienvenue aux lecteurs et aux autres publics

L’entrée de la bibliothèque efface naturellement la frontière entre extérieur et intérieur par son plain-pied et ses murs de verre. Ses portes tournantes, normalement conçues pour contrer le froid, n’ont pas, à notre avis, l’efficience espérée. Mais le large foyer doté de murs de verre sur ses faces nord et sud offre une vue agréable sur l’activité urbaine avoisinante. On y trouve des kiosques d’accueil où du personnel dirige les utilisateurs. Au centre, des demi-étages aménagés en petits locaux sont destinés à accueillir des expositions sur les projets urbanistiques de la ville et la vie citoyenne européenne. Le rez-de-chaussée dispose également d’un cinéma et d’un restaurant.

Pour accéder au premier étage, on emprunte un remarquable escalier à vis en admirant des imprimés sur les pourtours de son garde-corps plein. Ce niveau accueille des activités variées, dont des ateliers de couture, de tricot ou d’impression 3D installés dans des espaces ouverts. De nombreux locaux fermés bénéficiant de commodités informatiques sont aménagés pour des réunions ou du travail individuel, et on trouve même un studio d’enregistrement de musique.

Source : ALA Architectes

« Il s’agit d’un étage flexible en terme architectural, décrit Antti Nousjoki, conçu avec une silhouette en plein et vide à l’intérieur permettant d’avoir des espaces peu fréquentés, mais ouverts. Le bâtiment est soutenu par des poutres d’acier apparentes. De l’extérieur, il apparaît nettement en étage attique ou étage bandeau surplombé d’un couronnement. » ALA Architectes a emprunté un vocabulaire architectural classique pour le réinterpréter de manière tonique et flamboyante.

Là-haut, l’eldorado

Le deuxième étage de la bibliothèque est nommé « paradis du livre ». Il accueille une immense surface de rayonnage (190 m x 40 m) et possède de grands murs-rideaux sur ses quatre faces offrant une vue sur la ville à 360°. Ces murs de verre sont dotés de motifs de petits points pour éviter le vertige aux contemplatifs qui sont bien servis, peu importe où ils se positionnent. « Et aussi pour échapper à la monotonie », précise Antti Nousjoki. Il y règne une atmosphère de sérénité et de calme totalement opposée à la fébrilité des deux étages inférieurs. Un jeu de plateformes en pente rappelle l’image de la proue d’un navire. Cette même proue est visible de l’extérieur côté sud.

Source : ALA Architectes

Respect environnemental exemplaire

La bibliothèque Oodi est catégorisée Nearly Zero Energy Building (NZEB) ou bâtiment presque autonome. Sa consommation énergétique nette est quasi nulle, car la quantité d’énergie utilisée pour faire fonctionner le bâtiment est quasi équivalente à ce qu’il produit en énergie renouvelable pour l’isolation, le chauffage et l’éclairage. Selon Niklas Mahlberg, architecte chez ALA Architectes, les eaux de pluie sont collectées dans des réservoirs souterrains afin de prévenir les inondations sur le site. L’efficacité énergétique tient au fait que l’enveloppe du bâtiment est hautement isolante, mais aussi grâce aux diffuseurs radiants de chaleur et de climatisation performants (la marque Itula, par exemple, en fabrique). Il y a également des contrôleurs de mouvement qui permettent d’économiser l’éclairage. Enfin, l’empreinte carbone du bâtiment est excellente, car il y a eu un choix massif d’utiliser comme matériau le bois local(l’épicéa finlandais). Le bâtiment est certes bien isolé, ce qui permet d’éviter les déperditions de chaleur, mais selon notre expérience vécue, il y peut y avoir un pont thermique ou contact direct avec l’extérieur au rez-de-chaussée par les portes tournantes. Les fenêtres prédominantes épaisses, fabriquées en Estonie, sont hautement performantes. Elles permettent de diffuser de la lumière naturelle, particulièrement au dernier étage où se trouve la bibliothèque de lecture. Oodi a été classifiée « A », catégorie qui, selon la réglementation thermique, équivaut à 90kWhE/m2 (on exige 110kWhE/m2 pour des bâtiments à bureaux climatisés en Europe).

La bibliothèque remplit également les normes de la classification finlandaise M1 (https://m1.rts.fi/en/), ce qui signifie que les matériaux qui ont servi à sa construction (tels le bois, l’acier, le granit) ne produisent pas d’émanations toxiques, contrairement aux mastics, plastiques, céramiques, chapes de béton, agents de nivellement ou enduits. ALA Architectes n’a pas souhaité obtenir les certifications internationales telles BREEAM ou LEED qui, semble-t-il, ne sont pas populaires en Finlande dans le domaine de la construction.


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