Une deuxième condition est de faire preuve d’humilité et d’ouverture pour écouter et, éventuellement, accepter les idées des autres. « Cela demande beaucoup de qualités humaines que tout le monde n’a pas », estime Marie-Ève Milot, architecte et coach certifié, directrice Expérience collaborative à L’Atelier Urbain. Entre autres, « les architectes sont habitués à avoir le crayon pour dessiner le projet comme ils veulent et imaginer de partager ce leadership en atelier créatif et que d’autres dessinent également, ce n’est pas facile », poursuit-elle avec un soupçon d’ironie, étant elle-même architecte. « J’ai fait beaucoup de PCI en tant qu’architecte. L’architecte parle trop et l’ingénieur pas assez, reconnaît Joël Courchesne, architecte, Bureau de la transition écologique et de la résilience à la Ville de Montréal, d’où l’idée d’un facilitateur pour gérer le temps, fermer le clapet à ceux qui parlent trop et demander à ceux qui ne parlent pas de s’exprimer. » C’est là notamment que les séances avec post-it peuvent faciliter, non pas la prise de parole, mais l’expression des idées.
Mais ces échanges d’idées font parfois surgir des divergences, voire des conflits. C’est normal et même souhaitable. « Quand on met les idées sur la table, des gens ne sont pas d’accord et il y a des conflits. Il faut accepter d’être challengés dans nos idées. C’est à ce moment-là qu’on arrive à des solutions créatives et à un meilleur projet », croit Marie-Ève Milot. « La collaboration ne veut pas dire que tout le monde s’entend et qu’il y a un consensus facile sur tout. Il y a des tensions productives, abonde Julie D. Gagnon, directrice exécutive, projets en modes alternatifs, à la Société québécoise des infrastructures. Ce qu’on souhaite dans un mode conception-construction progressive est de créer ces situations où on se challenge et où on se dépasse.
C’est là que les meilleures solutions émergent. » Joël Courchesne va même plus loin en appelant à l’anarchie des idées. « Il faut se dire que, ce matin, on prend deux heures pour proposer des idées qui ne marcheront pas, mais qui seraient super le fun à faire. C’est anarchique, mais il faut être à l’aise avec cette anarchie parce que ce sont les idées folles qui font les idées innovantes. »
Pour en arriver là, le PCI ne demande plus seulement de la collaboration, mais aussi de l’audace et de la souplesse. Si l’audace est la mère des nouvelles idées, il faut ensuite faire preuve d’agilité pour évaluer leur bénéfice potentiel et imaginer comment les intégrer au projet. Or, les nouvelles idées ne sont pas toutes bonnes. « Pour trouver des solutions innovantes, il faut passer par de bonnes solutions et de moins bonnes et accepter qu’à un moment donné, on ne sait pas où on va. Il faut accepter de naviguer dans le flou, sur un chemin mal tracé, mais qu’on va tracer en travaillant ensemble », prévient Marie-Ève Milot.
Le PCI ne se résume donc pas à la collaboration. La démarche demande de l’ouverture, une tolérance à l’ambiguïté et une dose de courage, et l’un des défis du PCI est de créer les conditions qui favorisent ces qualités. Pour bien profiter de cette démarche, « il va falloir oser faire autrement, et on n’y est pas encore habitué dans le milieu de l’architecture », observe Marie-Ève Milot.