Martin Tremblay
Photographe à La Presse depuis 2002, Martin Tremblay est reconnu pour ses reportages en terrain difficile. Il a couvert plusieurs conflits à travers le monde, notamment la guerre en République démocratique du Congo ainsi que la crise alimentaire au Niger. En 2018, le photographe remporte le prix du meilleur reportage au Concours canadien de journalisme pour son travail sur l’histoire des migrants à la frontière canadienne.
Dans le cadre de cette exposition, le photojournaliste propose une série de documents réalisés en 2016 sur les conditions de vie précaires de la communauté algonquine de Kitcisakik, près de Val-d’Or. Ses photographies contiennent une forte charge émotionnelle et expriment des sentiments humains oscillant entre la solitude, le désœuvrement et l'espoir.
Martin Tremblay, Fermé, impression au jet d’encre, 2016
Photographe au journal La Presse, Martin Tremblay a réalisé un reportage sur le village de Kitcisakik, situé au nord de la réserve faunique La Vérendrye en Abitibi-Témiscamingue. Depuis 1906, la communauté algonquine attend du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada le statut de réserve. Officiellement, les autochtones sont désignés comme des squatters vivant sur les terres de la Couronne provinciale et non sur les leurs. Quel paradoxe ! Les conditions de vie de la population sont désolantes. La plupart des maisons n’ont pas d’eau courante ni de desserte électrique. Le rêve d’un nouveau village relocalisé semblait en voie de se réaliser, mais un conflit entre deux clans a fait avorter le projet, ce qui a occasionné l’exode de plusieurs familles. En 2011, le nombre d’habitants totalisait 339 personnes contre 274 en 2016.
Martin Tremblay, Stigmates, impression au jet d’encre, 2016 – Cette image montre l’une des premières maisons construites par Hydro-Québec maintenant abandonnée.
Face à la dégradation des habitations et des conditions de vie de la population, l’organisme Architectes de l’urgence et de la coopération (AUC) s’est impliqué dès 2008 en rénovant et en construisant des habitations plus adaptées au climat hivernal. Axé sur la modernisation et la restauration, ce projet de l’AUC, financé en partie par des dons privés et des subventions, a permis la réhabilitation de 70 maisons entre 2008 et 2020. L’organisme a misé sur le transfert de compétences et l’acquisition d’habiletés par la main-d’œuvre locale. Tous les chantiers ont été supervisés par des architectes et des charpentiers-menuisiers formateurs.
Serge Gosselin
Originaire de la ville de Senneterre, Serge Gosselin pratique le photojournalisme au journal L’Écho Abitibien de 1980 à 1997. Par la suite, il effectue plusieurs voyages et réalise des reportages au Honduras, en République dominicaine, au Guatemala et à Cuba. Coopérant jusqu’en 2019 pour l’organisme Haïti-SED, il séjourne à trois reprises à Léogâne, une ville située à une quarantaine de kilomètres de Port-au-Prince. Dans le cadre de ses activités humanitaires, il produit une série de photographies avant et après le grand séisme de 2010. Les travaux de Serge Gosselin se situent dans la tradition de la photographie humaniste par la liaison du sujet photographié à son environnement social immédiat.
Serge Gosselin, Reconstruction à Léogâne, impression au jet d’encre, 2011
Serge Gosselin a documenté les impacts du grand séisme de 2010 sur la population haïtienne de la ville de Léogâne et sa région. Cette localité de 100 000 habitants a perdu plus de 80 % de ses bâtiments. Elle est en reconstruction permanente. Grâce à une campagne de dons, des organismes et des associations sont intervenus pour parer aux nombreuses attentes des victimes sous forme d’aide multiforme. Parmi ces organismes figure Haïti-SED. Basé à Montréal, cet OSBL a contribué à la reconstruction de la ville en bâtissant des bassins de rétention d’eau.
Serge Gosselin, Reconstruction de l’église épiscopale à Belloc, impression au jet d’encre, 2013
Située au sud de Léogâne, la ville de Belloc a également subi des dommages importants. Des maisons et des lieux de culte ont été reconstruits, mais aucune norme antisismique n’a été appliquée. De même, Haïti ne dispose pas de critères de construction formels en matière de bâtiments. Le séisme a aussi endommagé des infrastructures routières et portuaires, rendant difficile l’acheminement de marchandises. C’est à partir du bois récupéré de maisons détruites que les habitants ont pu échafauder des abris. Pour de nombreux Haïtiens, l’aide internationale n’a pas été efficiente dans la reconstruction du pays. À lui seul, le Canada a injecté 1,4 milliard de dollars. Une décennie plus tard, les infrastructures sont toujours déficientes et l’on déplore un manque considérable de logements.
Kassandra Reynolds
Cette photographie révèle de façon magistrale l’amplitude de l’itinérance dans la mégalopole américaine. À travers les avenues, des personnes sans domicile fixe déambulent avec un panier d’épicerie rempli d’effets qu’ils récupèrent ou, à la limite, possèdent. New York abrite 14 % des sans-abris des États-Unis, soit 75 000. Entre 3 000 et 4 000 d’entre eux dorment dans la rue, dans les parcs, les gares, le métro et sur des bouts de trottoirs.
Kassandra Reynolds, The Hulk (le mastodonte), impression au jet d’encre, 2019
L’itinérance atteint aussi d’autres grandes villes américaines, dont Seattle. L’arrivée du géant Amazon a fait en sorte que 20 % des édifices du centre-ville lui sont dévolus, chassant un nombre important de résidents hors de cette zone. Face à la pénurie de logements, des campements s’érigent dans certains secteurs de cette ville de 750 000 habitants. Cette réalité gagne aussi Montréal, où une centaine de sans-abris dormaient depuis l'été dans le campement Notre-Dame dans le quartier Hochelaga. Celui-ci a été démantelé par la ville au mois de décembre 2020. Depuis la pandémie, le nombre d'itinérants a augmenté dans la métropole québécoise (plus de 1 000 dorment à l'extérieur); le manque chronique de logements abordables en ville a exacerbé la crise sanitaire.
Selon la Coalition for the Homeless, New York compte parmi ses sans-abris autant d’enfants que d’adultes. Impossible pour eux de penser à leur santé et à leur stabilité à long terme. Face au problème de l’itinérance, l’une des solutions préconisées par les autorités est la création de logements supervisés. Le gouverneur de l’État, Andrew Cuomo, et le maire, Bill de Blasio, se sont engagés à construire un ensemble combiné de 35 000 logements avec des services de soutien. Cette approche serait non seulement la plus efficace, mais la plus rentable. Avoir un toit, une porte que l’on peut verrouiller et un lit pour dormir nuit après nuit, voilà ce qui s’avère porteur. L’ONU stipule que l’accès à un logis sûr constitue l’un des droits fondamentaux de la personne humaine.
Kassandra Reynolds, La face cachée, impression au jet d’encre, 2019
Notons que Montréal avance timidement dans cette voie en transformant temporairement l’hôtel Place Dupuis en un refuge pour itinérants. Selon nous, l’approche logement est celle qui doit être privilégiée par l’ensemble des grandes villes nord-américaines. Montréal n’y fait pas exception, mais cela exige des ressources médicales et financières qui font actuellement défaut.
Jules Gauthier
Diplômé en science politique à l’Université de Montréal et à l’Université Saint-Joseph au Liban, Jules Gauthier documente les impacts des conflits armés et sociaux sur la vie des populations civiles et sur le patrimoine bâti. À ce jour, il a réalisé des reportages et des séries photographiques dans plusieurs pays du Moyen-Orient, mais aussi en France et aux États-Unis. S’intéressant aux dynamiques qui touchent et transforment les grandes villes de ce monde, le photographe a réalisé en 2019 un important corpus d’images sur la désurbanisation des villes américaines de Détroit et de Baltimore. Ses photos rendent visibles des apparences et des réalités à l’opposé du discours dominant.
Jules Gauthier, Duo de maisons, East side de Détroit, impression au jet d’encre, 2019 – Cette photographie montre bien l’effet de la désindustrialisation urbaine qui a frappé de plein fouet la « Motor City ». Dans l’image, nous voyons côte à côte une maison abandonnée, l’autre pas. Telle une nature qui reprend ses droits, l’une se camoufle et disparaît sous le manteau d’une vigne tentaculaire ; l’autre survit dans le temps. Le contraste est saisissant, et sa charge symbolique, puissante. Près de 40 % des bâtiments sont laissés à l’abandon dans ce quartier sensible du North-Side de Détroit.de
Jusqu’à la fin des années 1960, Détroit représentait le rêve américain, celui de la réussite sociale, de l’enrichissement et des self-made men. Mais la crise de l’industrie automobile des années 1970 a eu un effet dévastateur sur cette ville. En 2012, 30 % de la population était en chômage et, au cours des années, la ville a perdu la moitié de sa population. À ce jour, plus de 18 000 bâtiments vacants ont été détruits. Initié par le maire Mike Duggan, ce programme de démolition fut instauré dans l’espoir d’améliorer la qualité de vie des résidents en éliminant les habitations jugées irrécupérables ou occupées illégalement.
Jules Gauthier, Immeuble abandonné dans le quartier Petosky-Otsego, Détroit, impression au jet d’encre, 2019
Bien que la ville se relève progressivement de son déclin, le photographe souligne que le renouveau urbain se limite au centre-ville et dans le Midtown, où des condominiums et une ligne de tramways ont été construits. En dehors de ces secteurs, les habitants souffrent encore du manque de services et d’infrastructures. Ce sont surtout des quartiers habités par des Afro-Américains qui n’ont pas profité des investissements pour redresser la ville. L’ancien phare de l’industrie automobile n’est pas le seul endroit aux États-Unis où la désindustrialisation a eu des impacts majeurs. Mais c’est à Détroit que le choc fut le plus brutal, la ville ayant déclaré faillite en 2013.