Succès et reconnaissance
C’est en 1977 au Centre culturel canadien à Paris que le photographe officialise son adhésion totale au médium du photomontage en présentant 77 œuvres. Le sociologue Marcel Rioux (1919-1992) signe le texte de l’exposition. S’ensuivent des manifestations dans plusieurs villes de France, à Liège et à Bruxelles. Dans les années 1980, ses expositions à Montréal sont courues, dont celle présentée en 1986 à la Maison de la culture Côte-des-Neiges qui attire 3 000 personnes. Le Service de la culture de la Ville de Montréal a d’ailleurs montré un vif intérêt pour les travaux de Pierre Guimond en programmant d’autres événements à l’intérieur de son réseau des Maisons de la culture. La ville de Montréal a également organisé en collaboration avec le Goethe Institut une exposition de ses travaux en Allemagne.
Une vision de la ville où le nombre d’autos et les surfaces consenties à leur stationnement deviennent astronomiques. Guimond s’attaque très tôt dans ses productions aux impacts de l’auto dans le monde contemporain. Dans cette œuvre, l’auteur présente l’automobile comme un fléau urbain tentaculaire entourant une ville moderne assiégée. – Pierre Guimond, photomontage 2005 – Source : Les états inventés d’Amérique
Durant les années 1990, ce visionnaire des temps modernes voyage dans différents pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Sud et présente en 1997 l’exposition intitulée Sept villes. Les photomontages exhibent des individus avec sensibilité dans des décors urbains reconstruits par l’artiste à partir de ses photographies. Les gros plans des personnes photographiées s’insèrent dans un montage architectural ultra-densifié. Le plus gros ouvrage qu’entreprendra Guimond sera sans conteste la création des 2 500 photomontages pour le film. Sorti en 2014, ce document revisite le rêve américain en dressant un regard critique sur ce pays de la démesure. Il s’y consacrera à temps plein pendant une dizaine d’années.
Pierre Guimond créa aussi des ouvrages en arts graphiques, dont des pochettes de disque et des affiches de cinéma. Ce photomontage a servi à illustrer le disque Un trou dans les nuages de Michel Rivard, paru en 1987. – Pierre Guimond, La mélancolie, photomontage 1980, utilisé pour la pochette du disque Un trou dans les nuages, 1987
Le paradoxe USA
Produit par Ian Boyd, Les états inventés d’Amérique est une adaptation cinématographique d’Alberta Nokes d’après l’œuvre photographique de Pierre Guimond. Celui-ci a également assumé la direction artistique et l’écriture des textes. Fasciné par les États-Unis, le photographe arpente le territoire américain, d’est en ouest. Il rapporte plus de 18 000 clichés, qu’il numérise à partir de négatifs 35 mm. Le film de quatre-vingt-six minutes présente une succession d’images mettant en relief les contradictions d’un pays qui porterait en lui les prémisses de sa propre décadence. La représentation d’un futur proche s’apparenterait à une expérience humaine factice.
Cette image montre en quoi le photomonteur s’appuie sur la coexistence d’images contradictoires pour refléter la discordance propre à notre ère postmoderne. À gauche, la représentation d’un athlète afro-américain, poing levé comme à l’effigie de Munich, jouxte l’image d’une jeune fille envoûtante au conformisme érotique ambiant. Dans l’opuscule de l’exposition de 1986 à la Maison de la culture Côte-des-Neiges, l’auteur et cinéaste Jacques Godbout stipule qu’il existe deux sources d’images utilisées par Pierre Guimond : celle bouleversante de l’actualité planétaire, et la deuxième, séduisante, qu’il nomme « publiactualité ». Il conclut que les œuvres de Guimond agissent comme le contrepoids du discours marchand et témoignent de la dépersonnalisation de notre civilisation. – Pierre Guimond, photomontage 2003 – Source : Les états inventés d’Amérique
Entreprise titanesque, Les états inventés d’Amérique a bénéficié d’un budget de 2,2 millions de dollars, soit le montant le plus élevé pour une production documentaire à cette époque. Le long métrage se voulait le premier film réalisé au Québec en haute définition numérique. Pour constituer une banque de données visuelles, une équipe de trois personnes a travaillé pendant un an à découper tous les éléments composant l’ensemble des photographies. Pour Guimond, le pouvoir du photomontage est de créer des adjonctions entre des moments, des lieux, puis de recréer des sens nouveaux, des surprises visuelles et des lectures nouvelles.