Une intégration entre architecture et industrie Projet de logement pour la population étudiante développé par UTILE à Rimouski, en collaboration avec l’Association générale étudiante du campus de Rimouski de l’UQAR. – Photo : Industries Bonneville. Architecture : Blouin Beauchamps

« Le problème n’est pas technique, mais dans le processus », expliquait Guy Paquin, et notamment dans le mode de réalisation des projets. Roger-Bruno Richard insistait d’ailleurs sur la distinction entre la construction conventionnelle, qui se réalise sous forme de services, et la construction industrialisée, qui regroupe les participants pour qu’ils travaillent ensemble à uniformiser les détails et livrer un produit. Il précise que les architectes conservent un espace de créativité, car ce sont les détails qui sont uniformisés et non les produits.

Cette vision suppose d’inviter les manufacturiers en phase de conception. « Pour récolter les avantages de l’industrialisation, il faut plus de planification et une intervention des manufacturiers en amont.

C’est comme si l’on cherchait à réunir deux champs longtemps restés opposés, l’architecture et l’industrie, pour qu’ils travaillent ensemble », suggérait Carlo Carbone, qui invitait donc à imaginer des approches collaboratives. Or, « la fragmentation entre conception et construction et les modes de réalisation classiques dans la commande publique empêchent la collaboration en amont entre concepteurs et fabricants », observait Gonzalo Lizarralde. Guy Paquin, qui a été responsable de l’évolution et de l’innovation des pratiques à la Société québécoise des infrastructures (SQI), reconnaissait que le mode d’approvisionnement des projets publics ne facilite pas le recours à la préfabrication et que les processus doivent être revus. Arguant que « le problème n’est pas dans la technique, mais dans le processus », il a énuméré quelques pistes d’action gouvernementales pour favoriser la collaboration dans les projets publics. Notamment, le Plan d’action pour le secteur de la construction 2021 ainsi que la Stratégie québécoise en infrastructures publiques de 2024 prônent d’accélérer la modernisation des processus des donneurs d’ouvrage et l’appui à la préfabrication dans le secteur public. De cette stratégie découle le projet de loi 62 (PL62) qui vise à faciliter la collaboration dans les projets d’infrastructure publique.

De son côté, la SQI travaille avec STGM Architecture pour élaborer un outil de mesure du potentiel de préfabrication dans un projet. Guy Paquin a aussi donné l’exemple de deux projets pour lesquels la SQI a tenté d’inclure une part de préfabrication, un en mode entrepreneur général et l’autre en mode conception-construction progressif.

« La collaboration est plus facile en mode conception-construction progressif parce que tout le monde se parle dès le début. Les manufacturiers sont là. Les concepteurs comprennent les critères et les limites de la préfabrication. » Il insiste aussi sur la modélisation des données du bâtiment pour faciliter l’arrimage entre les partenaires.

L’exemple UTILE

De ses premiers projets de logements étudiants, UTILE a identifié quelques facteurs qui empêchent de profiter des économies de la préfabrication, notamment l’absence de clients récurrents et le manque d’expérience de la construction modulaire. Pour son projet à Rimouski, une résidence étudiante de 155 unités, UTILE s’est donc appliqué à réunir les conditions gagnantes pour introduire la préfabrication avec succès. « De la cession du terrain par la municipalité à l’emménagement des étudiants, il se sera écoulé quinze mois. Les 96 modules ont été assemblés en quatre semaines », relate Maxime Pelletier, directeur adjoint aux affaires publiques chez UTILE. Selon lui, le promoteur qui est en contact avec les autres partenaires joue un rôle primordial dans cette réussite. « C’est nous, le donneur d’ouvrage, qui engageons les professionnels, l’entrepreneur général et le préfabricant. Donc, on peut mobiliser tous les acteurs autour du projet », poursuit-il. UTILE a identifié les Industries Bonneville comme manufacturier, reçu en entrevues des entrepreneurs généraux et des professionnels pour en arriver à former un consortium avec les Industries Bonneville, Construction Longer, Blouin Beauchamp Architectes et le Groupe GDI pour l’ingénierie. « La nouveauté de notre approche, relate Maxime Pelletier, c’est qu’on s’est engagés à ne pas faire juste un prototype. On a dit au préfabricant qu’on veut faire un projet de 150 à 200 logements modulaires cette année, un autre l’année prochaine et un autre dans deux ans. Le premier ne sera peut-être pas un succès retentissant, mais on va développer une expertise qui servira pour les autres projets. » La collaboration avec le manufacturier en amont du projet permet de maximiser la dimension des modules par rapport à la capacité de production de l’usine, et la réplicabilité permettra de réutiliser les mêmes modules et de standardiser les plans et devis pour les prochains projets.

UTILE a montré l’exemple à Rimouski et, avec le PL62, le gouvernement du Québec devrait aussi faire preuve d’exemplarité gouvernementale pour apporter collaboration et intégration à la préfabrication. Mais cette intégration devra aller plus loin pour inclure les acteurs du recyclage. « Le grand défi pour la prochaine décennie serait de terminer la boucle pour s’intéresser à la déconstruction, la réutilisation et la revalorisation et répondre au principe d’économie circulaire », avançait Gonzalo Lizarralde. Sans quoi l’industrialisation de la construction restera un projet inachevé.


Articles récents

À propos de la crise du logement

À propos de la crise du logement

Une déclinaison de trois textes qui soulèvent certains questionnements sur les promesses et les actions pour accroître l’offre de logements


Lire la suite
Architecture post-mécanique – Un champ de recherche et d’action en pleine effervescence

Architecture post-mécanique – Un champ de recherche et d’action en pleine effervescence

Avant les réfrigérants, les connaissances vernaculaires régissaient la manière dont les bâtiments s’adaptaient à leurs milieux. Il faut remettre de l’avant cet art conceptuel et technique.


Lire la suite
La cathédrale hydraulique du Saint-Maurice

La cathédrale hydraulique du Saint-Maurice

Mise en service en 1916, et à l’arrêt en 2019, l'ancienne centrale électrique de Grand-Mère en Mauricie a une très grande valeur patrimoniale.


Lire la suite

Restez informé avec
notre infolettre

M’inscrire...
Merci pour votre inscription, vous devez maintenant confirmer votre abonnement par courriel. Consultez votre boîte de réception.

Vous n’avez pas de compte ?

Créer un compte