Modélisation énergétique des bâtiments : entre précision, performance et prise de décision

À l’heure où les bâtiments jouent un rôle clé dans la transition écologique, la simulation énergétique s’impose comme un levier stratégique, souvent mal compris. Cette chronique en explore la valeur, les limites et les conditions de son plein potentiel.

Une chronique du 

 
Alexandre Desjardins dirige les opérations chez TST, où il supervise cinq équipes spécialisées : certification durable, mise en service, audit énergétique, remise en service et simulation énergétique. Il pilote l’optimisation des processus internes, le développement de solutions sur mesure et veille à l’excellence technique et à la performance des projets livrés.

 

La simulation énergétique permet de modéliser le comportement énergétique d’un bâtiment en fonction de nombreux paramètres : performance de l’enveloppe, système mécanique, usage, climat local, etc. Bien au-delà de la simple conformité réglementaire, elle devient un levier d’optimisation dès les premières phases de conception.

En comparant divers scénarios de conception ou de réhabilitation, il est possible de prédire la consommation énergétique future, d’identifier les points faibles d’un projet, d’évaluer les économies possibles et même d’estimer les réductions d’émissions de GES. Cela permet une prise de décision éclairée, tant pour les concepteurs que pour les donneurs d’ouvrage, en tenant compte du coût, de la rentabilité et du confort des usagers.

Avec l’entrée en vigueur du CNÉB 2020 (Code national de l’énergie pour les bâtiments), modifié pour le Québec, la simulation énergétique devient non seulement un outil stratégique, mais aussi un passage obligé pour démontrer la conformité des projets selon la méthode de performance. Cette évolution marque un virage vers des approches plus flexibles, où la performance globale prime sur le respect strict des exigences prescriptives.

Les programmes de certification (LEED, BCZ…) l’intègrent également comme condition préalable, ce qui en fait une exigence dans plusieurs projets d’envergure. Enfin, les programmes d’aide financière, comme ceux d’Énergir ou de la SCHL, exigent souvent une simulation pour justifier les appuis consentis.

Loin d’être un exercice théorique, la simulation énergétique peut générer des bénéfices concrets. Parmi les plus notables :

  • Optimisation de la conception : en explorant plusieurs configurations de l’enveloppe, du chauffage ou de la ventilation, elle oriente les choix vers les options les plus performantes.
  • Réduction des coûts d’exploitation : meilleure isolation, équipements HVAC performants, éclairage efficace, récupération de chaleur.
  • Meilleure intégration des énergies renouvelables : évaluer la pertinence du solaire, de la géothermie ou de la biénergie selon les profils de consommation.
  • Conformité et subventions : démontrer la performance nécessaire à l’obtention d’une certification ou d’une aide financière.
  • Amélioration continue : en comparant les consommations réelles aux simulations, on peut ajuster les systèmes et optimiser l’exploitation.

Toutefois, elle reste une modélisation, avec ses hypothèses et ses incertitudes. Les limites les plus fréquentes sont :

  • Données d’entrée incomplètes ou imprécises : qualité de l’enveloppe, puissance des équipements, profil d’occupation.
  • Dépréciation thermique mal évaluée : selon les méthodes choisies (RBQ, ISO 10211), l’efficacité thermique d’un mur peut varier considérablement, influençant fortement la performance simulée.
  • Complexité croissante des bâtiments : les interactions entre les systèmes sont difficiles à modéliser avec précision, surtout avec des systèmes hybrides ou à régulation complexe.
  • Écarts théorie/pratique : les conditions réelles d’installation et d’usage diffèrent souvent des hypothèses, d’où l’importance de calibrer le modèle après mise en service.
  • Communication des résultats : trop souvent présentés comme des valeurs absolues, les résultats doivent plutôt être interprétés comme des comparatifs (scénario A vs scénario B), accompagnés d’une estimation de l’incertitude.

Pour maximiser la valeur des simulations énergétiques, certaines pratiques méritent d’être généralisées :

  • Intégration précoce : amorcer la simulation dès la phase de conception permet de véritablement influencer les choix.
  • Approche itérative : tester plusieurs options, ajuster les paramètres en cours de route, et intégrer les rétroactions.
  • Communication claire et vulgarisation : les résultats doivent être compréhensibles pour les décideurs non techniques, notamment à l’aide de visuels, de scénarios et d’indicateurs économiques.
  • Formation accrue : avec la multiplication des logiciels et des exigences, les professionnels doivent continuellement mettre à jour leurs compétences.

La simulation énergétique n’est pas une fin en soi, mais un outil puissant au service d’une performance réelle, mesurable et durable. Bien utilisée, elle permet d’aligner les objectifs environnementaux, économiques et opérationnels d’un projet. Elle devient alors un véritable vecteur de transition, reliant la conception à l’exploitation, la théorie à la réalité, et les ambitions à des résultats concrets.

Depuis plus de 20 ans, TST est le seul expert intégré en efficacité énergétique et développement durable au Québec. Grâce à ses 40 spécialistes, l’entreprise mise sur une approche interdisciplinaire pour relier conception, exploitation, réglementation et financement – et offrir un accompagnement stratégique à chaque projet, tous secteurs confondus.


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