Julie Fouquet et Stéphane Giroux, Construction Longer. – Photo : MRC des Sources, Rendez-vous des écomatériaux 2022
Sensibiliser les employés et les partenaires d’affaires
« La première étape est vraiment d’être en mode sensibilisation », souligne Julie Fouquet, car tous les employés doivent participer à la démarche. L’entreprise a organisé des réunions avec les contremaîtres et les chargés de projets et mis des affiches dans les roulottes de chantier. Comme trier les déchets sur le chantier demande de changer les façons de faire, Stéphane Giroux recommande une démarche progressive. « Je travaille avec 45 contremaîtres qui ont des habitudes et des vécus différents. Il faut y aller en douceur, dans le respect et avec une attitude positive. » La sensibilisation doit aussi s’étendre à l’externe auprès des entrepreneurs spécialisés. « Les plombiers et les maçons qui viennent travailler sur nos chantiers n’ont pas forcément le réflexe de nos employés et on ne veut pas qu’ils mettent leurs déchets dans le mauvais conteneur », illustre Stéphane Giroux. Pour s’assurer de la coopération des sous-traitants, Construction Longer a inscrit le tri des déchets dans les contrats.
Organiser le tri
Trier les déchets sur le chantier est bien plus facile à dire qu’à organiser, car il faut estimer le volume de déchets en fonction de la taille du chantier et avoir l’espace au sol pour installer les conteneurs. Construction Longer a acheté des conteneurs et créé un affichage pour identifier les matières recyclées. S’ajoute la difficulté de trouver un recycleur à distance raisonnable. « Si j’envoie un conteneur de bois à 100 km, je ne suis plus écoresponsable parce que je viens de créer un autre problème », illustre Stéphane Giroux. L’entreprise a aussi créé un écocentre à son siège social et acquis une flotte de remorques. Pour les petits chantiers, « on demande aux contremaîtres de mettre l’acier, le bois… dans leur remorque et de les apporter au centre de tri du bureau », décrit Stéphane Giroux. Mais là encore, tout dépend de la distance entre le chantier et le bureau. Pour résoudre ces enjeux de distance, Construction Longer a dû dénicher un réseau de recycleurs sur son territoire d’opération.
Selon RECYC-QUÉBEC, les résidus de construction, rénovation et démolition représentent 28 % des matières éliminées, en deuxième position des matières éliminées après les déchets organiques. Photo : RECYC-QUÉBEC
Quantifier le détournement
Il restait encore à mesurer le résultat de l’opération : quelle quantité de matière était ainsi détournée de l’enfouissement ? « Il fallait avoir des données statistiques pour rendre la démarche tangible », relate Julie Fouquet. Pour ce faire, l’entreprise a modifié le formulaire d’ouverture de projet pour que les chargés de projets se questionnent dès le départ sur les matières qui pourront être recyclées sur leurs chantiers et a demandé des factures détaillées aux partenaires recycleurs. « On veut des factures détaillées pour savoir combien de bois on récupère », illustre Stéphane Giroux. Il reconnaît que ces changements de pratique peuvent déranger les employés et les partenaires, mais « il faut insister et être persévérant, c’est ce qui fera la différence », encourage-t-il.
Finalement, après un projet pilote d’un an avec la participation de trois contremaîtres, le tri des déchets a été déployé sur la majorité des chantiers dès la deuxième année. Aujourd’hui, dix matières sont triées, parmi lesquelles le bois, le carton, l’aluminium, le cuivre… et en 2021, 42 % des matières étaient détournées de l’enfouissement. « Il reste des matières dans nos conteneurs pêle-mêle, déclare Stéphane Giroux. On veut voir s’il y aurait des débouchés avec le réseau Synergie Québec. » Construction Longer travaille aussi à améliorer la gestion des eaux grises liées à la fabrication du béton et mène un projet pilote de compostage.
Rentabiliser
Face aux coûts des conteneurs, des remorques, de l’affichage, de la manutention… se pose nécessairement la question de la rentabilité financière de l’opération. « On a investi, mais au final, avec les retours sur l’acier, le bois et les divers matériaux, et les économies parce qu’un conteneur envoyé à l’enfouissement coûte plus cher qu’un conteneur trié à la source, on arrive à une économie moyenne de 50 dollars par tonne détournée, assure Julie Fouquet. Ça brise le mythe qui dit que ça coûte cher de trier les déchets. C’est un investissement de temps et des efforts, mais au final ça ne coûte pas plus cher et c’est payant pour l’environnement. »
En démontrant la rentabilisation du tri, Construction Longer contaminera peut-être d’autres entrepreneurs.