La petite histoire
Faisons d’abord un petit rappel historique. En 1925, l’entreprise Miron commence l’exploitation de la carrière. De 1925 jusqu’en 1984, l’entreprise y extraira du calcaire. En 1968, l’enfouissement des déchets débute. Ces activités se poursuivront jusqu’en 2000, pour les matières putrescibles, et jusqu’en 2009, pour les matériaux secs.
En 1984, la Ville devient propriétaire du site. Elle entreprend d’en faire une gestion environnementale en y installant un système de captage des biogaz et un système de traitement du lixiviat. On y installera plus tard une aire de compostage en andains. À cette époque, on planifie déjà la fin de l’enfouissement, le début du recouvrement du site et la transformation de l’espace en parc.
En 1999, la Ville amorce le recouvrement du site, laquelle opération se terminera en 2014. Il faut toutefois noter que le pourtour du site est accessible depuis le milieu des années 1990, moment de l’ouverture de la voie polyvalente. Cette voie, d’une longueur de 5,5 km, ceinture l’espace au grand bonheur des cyclistes, des coureurs et des marcheurs.
La Plaine, un secteur réhabilité du parc du site du complexe environnemental. Photo : Ville de Montréal
Le concept
Cet espace unique, par la diversité de ses paysages, promet de nous en mettre plein la vue. Le plan directeur d’aménagement, adopté en 1997, illustre bien cette diversité. Au sud, on trouvera un amphithéâtre et un boisé avec vue sur les falaises de l’ancienne carrière. Au centre et au nord, on trouvera une plaine entrecoupée d’allées d’arbres. À l’ouest, l’aire de compostage en andains sera conservée. Au nord-ouest, on trouvera un lac où il sera possible de louer des embarcations. Les falaises, omniprésentes sur le pourtour du futur parc, pourraient même être mises à profit. « À un endroit, on étudie la possibilité d’aménager une aire d’escalade », spécifie M. Arnaud. Ce projet reste toutefois à valider.
Les défis de l’aménagement
La transformation de l’espace en parc a dû composer avec plusieurs éléments déjà présents, vestiges de la vocation passée du site. Ainsi en est-il des nombreux puits de captage de biogaz. « Le captage sera encore en fonction plusieurs années, mais il diminuera progressivement, dit M. Arnaud. Certains puits pourront donc être éliminés, alors que d’autres seront recouverts d’un revêtement décoratif afin d’améliorer leur aspect esthétique. »
L’usine de traitement du lixiviat est un autre exemple de ces vestiges. Au nord-ouest, où sera aménagé le lac, on trouve en ce moment cette usine. « Si on laissait l’installation à cet endroit, elle se trouverait en bordure du lac, ce qui n’est pas souhaitable, affirme M. Arnaud. Elle sera donc déplacée dans l’aire de compostage. »
Le projet représente un beau défi d’aménagement pour les architectes paysagistes de la Ville qui y travaillent depuis plusieurs années. Il sera aussi très apprécié par la population du quartier qui a dû subir pendant des années les nuisances provenant du site comme les odeurs liées aux activités d’enfouissement de déchets et, auparavant, le dynamitage issu des activités de la carrière.
Un lac sera aménagé dans le secteur nord-ouest du parc du site du complexe environnemental. Photo : Ville de Montréal
Le site Fresh Kills
À plus de 600 km au sud de Montréal, dans le quartier de Staten Island à New York, un vaste espace vert de 890 hectares s’ouvre graduellement au public. Ce site, traversé par un cours d’eau, a reçu pendant des années des déchets transportés par des barges provenant de la Ville de New York.
Ouvert en 1948, le site de Fresh Kills à Staten Island visait à répondre aux besoins d’enfouissement de la population en croissance de New York qui comptait alors 10 millions d’habitants. Le site se métamorphose depuis en un vaste espace vert de 890 hectares. Photo : James Corner Field Operations
Ouvert en 1948, le site de Fresh Kills visait à répondre aux besoins d’enfouissement de la population en croissance de New York, qui comptait alors 10 millions d’habitants. Pendant des années, le site a reçu près de 21 millions de mètres cubes de déchets annuellement. En 1996, le maire Rudy Giuliani annonce sa fermeture. Les activités d’enfouissement se poursuivront toutefois pendant cinq années supplémentaires, soit jusqu’en 1981. « Cette annonce a été faite à des fins électoralistes, pour obtenir le vote des citoyens de Staten Island, car la gestion environnementale du site était excellente, relate Robin Geller, gestionnaire au Service de l’assainissement de la Ville de New York. Un système de traitement du lixiviat était en fonction ainsi qu’un système de collecte des biogaz. Le site avait une capacité d’enfouissement pour encore quinze à vingt ans. »
Après avoir recouvert le site de millions de mètres cubes de terre, on l’ouvre petit à petit au public. « Le Service des parcs a déjà réalisé quelques petits projets, dit Mme Geller. Un terrain de football de sept hectares a été aménagé, un marais d’un hectare a été réhabilité et, d’ici deux à trois ans, une aire naturelle de 8,5 hectares sera aussi ouverte au public. »
Source : Fresh Kills Park
Le site est toutefois déjà renaturalisé au complet et, avec ses doux vallons de graminées, il est très beau. On s’y croit vraiment en campagne, loin de toutes activités urbaines. De plus, cet espace permettra de revenir un peu aux paysages d’origine de Staten Island où l’on trouvait 20 km2 de marécages. En 2011, on n’en comptait plus que 3,5 km2. Et il y en aurait encore moins si ce n’était de la présence de Fresh Kills.
« On dit que l’ouragan Sandy, qui a frappé New York en 2012, aurait pu être encore plus dévastateur n’eût été des marécages réhabilités de Fresh Kills, qui ont freiné un peu ses ardeurs », dit Mme Geller. Aujourd’hui, la réhabilitation de ces anciens sites d’enfouissement à Montréal et New York est une éloquente démonstration du savoir-faire de professionnels comme les architectes paysagistes. Ces derniers peuvent transformer un paysage dévasté en un lieu naturel magnifique.