Les revêtements intérieurs et la sécurité incendie Théâtre Gilles-Vigneault – Photo: David Boyer

Tout comme les éléments structuraux, les différents matériaux utilisés comme revêtements intérieurs de finition des plafonds, des murs, ou des planchers dans les bâtiments, sont aussi soumis à diverses exigences de protection incendie prescrites par le Code national du bâtiment du Canada (CNBC) dans un objectif de protection du bâtiment et des occupants.

Par contre, à la différence des éléments structuraux, la notion de combustibilité du matériau (combustible ou incombustible) n’est pas la propriété intrinsèque principalement utilisée par le CNBC pour règlementer l’usage de ces revêtements intérieurs dans les bâtiments. Ce sont plutôt les concepts d’indice de propagation de la flamme (IPF) et d’indice de dégagement des fumées (IDF) qui servent de critères de performance incendie associés à l’utilisation des revêtements intérieurs de finition. De façon simplifiée, le premier a pour but de limiter la vitesse à laquelle un incendie peut se développer et potentiellement se propager à l’intérieur d’un bâtiment au-delà de son point d’origine, alors que le second vise à faciliter l’évacuation sécuritaire des occupants.

Qu’est-ce que l’IPF ?

L’indice de propagation de la flamme (IPF) est une propriété qui permet de caractériser le potentiel avec lequel un matériau de revêtement intérieur pourrait contribuer à propager un incendie au-delà de son point d’origine. Au Canada, le CNBC exige que l’IPF d’un matériau soit déterminé au moyen d’au moins trois essais réalisés conformément à la norme canadienne CAN/ULC-S102 « Caractéristiques de combustion superficielle des matériaux de construction et assemblages ».

Cette méthode d’essai s’effectue en utilisant le tunnel de Steiner. Le matériau pour lequel on souhaite obtenir l’IPF est placé à l’horizontal au plafond d’un tunnel mesurant 457 mm (18 po) de largeur x 305 mm (12 po) de hauteur x 7,3 m (24 pi) de longueur (figure 1). Une fois l’échantillon placé à l’intérieur du tunnel, ce dernier est ensuite fermé hermétiquement. À l’entrée du tunnel, deux brûleurs au gaz produisent une flamme et un système de ventilation assure une turbulence à l’intérieur du tunnel afin de faciliter la propagation de la flamme. L’intensité de la flamme et le débit d’air sont normalisés et maintenus constants tout au long de la durée de l’essai de dix minutes. La distance de progression de la flamme à la surface de l’échantillon est observée et enregistrée à intervalles réguliers pendant toute la période d’essai. De plus, un photomètre installé dans le conduit d’évacuation à la sortie du tunnel mesure et enregistre l’opacité des fumées tout au long de l’essai dans le but de déterminer l’IDF.

Figure 1 - Tunnel de Steiner (source : www.ul.com)

La valeur de l’indice de propagation de la flamme (IPF) d’un matériau est ensuite calculée en fonction des mesures de progression de la flamme enregistrées lors de l’essai décrit précédemment. La valeur ainsi attribuée est adimensionnelle, c’est-à-dire qu’elle ne possède aucune unité de mesure. Il s’agit simplement d’une échelle comparative entre les différents matériaux déterminée à partir des résultats d’essai de deux matériaux de référence, soit le chêne rouge et le fibrociment. Le chêne rouge s’est vu attribué arbitrairement une valeur d’IPF de 100, alors que le fibrociment, un matériau inorganique, possède un IPF de 0. Les matériaux mis à l’essai se voient donc attribuer une valeur d’IPF en fonction des données enregistrées pendant l’essai, qui sont par la suite comparées à celles obtenues pour les deux matériaux de références.

CAN/ULC-S102 vs ASTM E84

Les valeurs de l’IPF publiées par certains fabricants de revêtements de finition, ou par certains organismes ou associations de produits, ont parfois été obtenues conformément à l’essai de la norme américaine ASTM E84 (ou UL 723) « Standard Test Method for Surface Burning Characteristics of Building Materials », plutôt que selon la norme CAN/ULC-S102.

Bien que très similaires, ces deux essais ne sont pas identiques, ni comparables. Les deux essais sont réalisés au moyen du tunnel de Steiner, dont les dimensions, les conditions d’essai (intensité de la flamme et débit d’air) et le montage de l’échantillon sont tous identiques. Cependant, sans trop entrer dans les détails, disons que la paroi des murs à l’intérieur du tunnel diffère légèrement entre les deux essais, ce qui influence la turbulence de l’air à l’intérieur du tunnel. De plus, au Canada, les valeurs de l’IPF d’un matériau doivent être obtenues en faisant la moyenne de trois essais conformes à CAN/ULC-S102 alors que chez nos voisins du sud, un seul essai selon ASTM E84 suffit pour déterminer la valeur de l’IPF d’un produit. Finalement, la méthode de calcul utilisée pour attribuer la valeur de l’IPF en fonction des résultats de l’essai diffère entre les deux normes. Les valeurs calculées avec l’essai ASTM sont habituellement inférieures à celles calculées de l’essai ULC.

Les professionnels canadiens doivent donc faire preuve de vigilance lorsqu’ils décident d’utiliser pour l’un de leurs projets des valeurs de l’IPF d’un matériau provenant de la norme ASTM E84. Ils devraient s’assurer de la répétabilité du résultat puisque que la valeur américaine provient d’un seul et unique essai. Ils doivent également demander une acceptation (ex : mesure différente) du résultat d’essai réalisé selon ASTM E84 par les autorités ayant juridiction.

Il est de la responsabilité des fournisseurs d’évaluer leurs produits conformément aux normes applicables (ex : CAN/ULC-S102 pour une utilisation au Canada) et de fournir ces preuves justificatives aux professionnels et concepteurs de bâtiments. En l’absence de résultats d’essais, les professionnels et concepteurs peuvent exiger de réaliser des essais afin de démontrer la conformité d’un produit.

Siège social de Creaform – Photo : Stéphane Groleau

Les exigences du Code

Les exigences du CNBC concernant les valeurs de l’IPF dépendent de plusieurs facteurs. D’abord, elles peuvent varier selon l’emplacement du revêtement de finition, à savoir s’il est installé au plafond, sur les murs ou au plancher. Les exigences varient également en fonction du classement selon l’usage du bâtiment, de la présence ou non d’un système de gicleurs automatiques, et de l’endroit à l’intérieur du bâtiment : pièces, salles de bain, corridors, halls d’entrée, issues, vides techniques, etc. Il y a essentiellement trois catégories pour classifier les revêtements intérieurs dans le CNBC. La plus restrictive comporte les produits ayant une valeur de l’IPF entre 0 et 25 inclusivement, la deuxième inclut les revêtements ayant un IPF de 26 à 75, alors que la troisième s’applique aux matériaux ayant une valeur de l’IPF au-delà de 75.

Pour les petits bâtiments régis par la partie 9 de la division B du CNBC, les exigences prescriptives de sécurité incendie qui concernent les revêtements intérieurs et leur indice de propagation de la flamme se retrouvent à l’article 9.10.3.2. et à la sous-section 9.10.17.

Pour tous les autres types de bâtiments, les exigences prescriptives de sécurité incendie sont énoncées à la partie 3 de la division B du CNBC. La sous-section 3.1.12. mentionne les méthodes qui doivent être utilisées pour déterminer l’IPF et l’IDF des matériaux de construction, alors que les exigences portant sur l’utilisation des revêtements intérieurs de finition sont énoncées à la sous-section 3.1.13. du CNBC.

Qu’il s’agisse d’un bâtiment de construction combustible ou incombustible, ou d’un bâtiment de grande hauteur, c’est à travers les articles de la sous-section 3.1.13. que les professionnels peuvent obtenir les valeurs de l’IPF à respecter pour les différents revêtements intérieurs de finition de leur projet. De plus, lorsqu’un bâtiment doit être de construction incombustible conformément aux articles de la sous-section 3.2.2., des exigences additionnelles s’appliquent à l’utilisation des revêtements intérieurs de finition. En effet, en plus de celles énoncées aux articles de la sous-section 3.1.13. du CNBC, les exigences de l’article 3.1.5.12. doivent également être respectées dans le cas où des revêtements intérieurs de finition combustibles tel que le bois sont utilisés. Parmi les exigences de 3.1.5.12., la plus notable est celle qui mentionne que la valeur de l’indice de propagation de la flamme exigée pour les revêtements doit être respectée sur toute surface exposée ou qui pourrait l’être en coupant le matériau dans n’importe quel sens. Une certaine homogénéité des revêtements de finition combustibles est donc requise dans ce type de construction. Cette exigence exclut donc automatiquement les produits simplement recouverts de peintures ou vernis retardateurs de flammes puisque ces derniers sont uniquement superficiels (contrairement aux produits imprégnés sous pression).

Complexe aquatiqu de Mingamie – Photo : Stéphane Brügger

Et les revêtements en bois dans tout ça ?

Les revêtements intérieurs de finition à base de bois offrent un potentiel d’utilisation relativement élevé à l’intérieur de l’ensemble des bâtiments tout en respectant les exigences du CNBC. D’abord, les revêtements de plancher combustibles, tels que les parquets en bois, sont autorisés dans les constructions combustibles et incombustibles sans restriction ou exigence concernant l’IPF, à l’exception des bâtiments de grande hauteur où des exigences peuvent s’appliquer par endroits, notamment en lien avec l’IDF.

Ensuite, le CNBC exige dans bien des cas que l’IPF des revêtements des murs et des plafonds soit d’au plus 150. La majorité des produits de revêtement de finition en bois permettent de respecter ce critère. Quelques produits ou essences de bois permettent même de respecter une exigence d’IPF d’au plus 75.

À certains endroits dans les bâtiments, des exigences plus restrictives s’appliquent en matière d’IPF. C’est notamment le cas des issues ou des halls d’entrée où l’IPF des revêtements intérieurs de finition des murs et des plafonds doit être d’au plus 25. Dans ce cas, les revêtements intérieurs de finition en bois ne permettent pas de façon naturelle de rencontrer cette exigence. Toutefois, l’utilisation des produits en bois ignifugé permet de rendre possible l’utilisation du bois dans ces contextes et selon le type de construction exigé.

Il existe principalement deux catégories de produits de bois ignifugé : le bois ignifugé sous pression et les enduits d’ignifugation. Dans le premier cas, il s’agit de bois ayant été imprégné d’un produit chimique ignifugeant sous pression. Le CNBC exige que les produits en bois ignifugé sous pression répondent à la norme CAN/CSA-O80 et que leur indice de propagation de la flamme soit d’au plus 25. Les produits de bois ignifugé sous pression les plus communs sont les bois de construction et les contreplaqués. Pour leur part, les enduits d’ignifugation sont appliqués en surface des produits, tel un vernis ou une peinture. Il s’agit de produits propriétaires et leur fabrication n’est pas normalisée. Ils sont pour la plupart translucides et souvent fabriqués à base d’eau. Ils permettent d’abaisser l’IPF des produits du bois en deçà de 25. Comme ils sont souvent fabriqués à base d’eau, il n’est pas recommandé de les utiliser en conditions extérieurs, ni sur des matériaux trop minces comme des placages, car ils pourraient les faire gondoler. Les enduits d’ignifugation peuvent également être utilisés pour des structures massives en bois d’œuvre ou d’ingénierie laissées apparentes.

Le bois ignifugé sous pression permet également de rencontrer l’exigence du CNBC qui demande un IPF d’au plus 25 sur toute surface exposée ou qui pourrait l’être en coupant le matériau dans n’importe quel sens. Il pourrait notamment être utilisé comme revêtement de plafond dans les bâtiments de construction incombustible en respect des exigences de l’article 3.1.5.12. Ce n’est pas le cas cependant des enduits d’ignifugation puisqu’il s’agit plutôt d’un traitement de surface.

Centre communautaire de Dollard-des Ormeaux – Photo : Stéphane Brügger

Plusieurs sources d’information sont à la disposition des concepteurs afin d’obtenir les valeurs de l’IPF et de l’IDF des revêtements de finition en bois. D’abord certains fabricants de revêtements de finition fournissent ces valeurs pour leurs produits. Ensuite, l’annexe D-3 de la division B du CNBC donne des valeurs génériques pour divers matériaux de finition intérieure dont certains produits du bois. Le Conseil Canadien du Bois (CCB) publie également dans sa documentation technique1 des tableaux qui donnent la valeur de l’IPF de plusieurs produits du bois (figure 2).

Figure 2 - valeurs de l'IPF et de l’IDF pour certaines essences de bois1

En terminant, bien que le présent article traite essentiellement des revêtements intérieurs de finition, rappelons que le CNBC applique également le concept d’IPF à d’autres éléments tels que les structures apparentes, les matériaux utilisés à l’intérieur des vides de construction, les isolants, etc.

1 La sécurité incendie dans les bâtiments en bois (Conseil Canadien du bois, 1997)

 Source : Journal cecobois, Tendances bois – Spécial produits de finition intérieure – Lien


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