Réglementation énergétique – Points forts, points faibles !

Depuis le 27 décembre 2021, les concepteurs de bâtiments doivent se conformer au nouveau chapitre I.1, Efficacité énergétique du bâtiment, du Code de construction du Québec. Cette réglementation renforce les exigences de performance énergétique et propose aux concepteurs trois méthodes pour les atteindre. Philippe Hudon, le président d’Akonovia, résume ici les principes de cette réglementation. Il en souligne les points forts, mais aussi les points faibles.

La réglementation est une version adaptée au Québec du Code national de l’énergie pour les bâtiments et porte sur les bâtiments industriels, institutionnels et commerciaux, les édifices résidentiels de plus de 600 m2 ou de plus de 3 étages, ainsi que les édifices résidentiels plus petits, mais abritant d’autres usages que résidentiels. Elle concerne tout ce qui touche à la performance énergétique et propose trois voies de conformité.

La première est la méthode prescriptive qui dicte les consignes à suivre en matière de ratio de fenestration, de résistance thermique, d’étanchéité à l’air… Il faut préciser qu’on ne parle pas de la résistance thermique totale qui consiste à additionner la résistance thermique de chaque composante d’un mur ou de la toiture, mais de la résistance thermique effective. Celle-ci tient compte des ponts thermiques représentés par les éléments structuraux qui traversent l’isolant et qui peuvent réduire la résistance thermique de 20 à 40 %, selon les compositions de murs ou de toiture. Par contre, la résistance thermique effective n’inclut pas les ponts thermiques linéaires constitués par les jonctions des murs avec les balcons, les planchers, la toiture et le mur de fondation. Ces ponts thermiques doivent être coupés, ce qui peut s’avérer complexe. « La majorité du temps, on ne sera pas capable de couper les ponts thermiques linéaires et je m’attends à ce que la méthode prescriptive soit peu utilisée », commente Philippe Hudon. Il faudra alors opter pour une autre voie.

La deuxième voie de conformité est la méthode des solutions de remplacement, qui demande de calculer la résistance thermique effective dépréciée. Ce calcul consiste à intégrer le facteur de transfert de chaleur lié aux ponts thermiques linéaires. « Il y a un facteur de charge qui s’ajoute dans l’équation et qui déprécie la résistance thermique effective. Ce calcul est complètement nouveau pour la grande majorité des professionnels de la construction », explique Philippe Hudon. On peut trouver des exemples de calculs dans le Building Envelope Thermal Bridging Guide de la firme Morrison Hershfield. Le calcul de cette résistance thermique effective dépréciée se traduit par une augmentation des charges de chauffage et de climatisation que les ingénieurs devront intégrer dans leur conception.

La troisième voie de conformité est la méthode de performance énergétique, qui considère le bâtiment dans sa globalité. « On regarde le bâtiment avec les éléments de l’enveloppe et des systèmes mécaniques comme un ensemble au lieu de les considérer séparément, tels des silos. », décrit Philippe Hudon. L’objectif est que la consommation énergétique totale du bâtiment, calculée par modélisation, soit inférieure ou égale à celle résultant de la méthode prescriptive. Cette méthode laisse aux concepteurs la flexibilité des moyens pour atteindre la performance visée, et Philippe Hudon donne l’exemple des ponts thermiques souvent difficiles à couper dans l’encadrement des fenêtres. La méthode de performance donne la possibilité de réaliser des gains d’efficacité énergétique en optant pour la géothermie, plutôt que pour du chauffage électrique, et de compenser ainsi la faiblesse des fenêtres sans avoir à installer du triple vitrage.

Une vision commune, mais floue

Les concepteurs peuvent suivre la voie la plus adaptée à leur projet. Philippe Hudon estime que la méthode de performance énergétique deviendra la plus utilisée. Selon lui, cette méthode a l’avantage de briser les vases clos entre les professionnels. « C’est le point fort de la réglementation, dit-il. On s’assure dès le début d’une vision commune en efficacité énergétique et d’une cohésion entre architectes et ingénieurs. » Il estime cependant que la vision en efficacité énergétique pourrait être plus affirmée. Il aurait aimé voir un calcul de l’intensité de la demande en énergie thermique comme dans la norme Bâtiment Carbone Zéro, qui demande en premier lieu d’optimiser l’enveloppe et les systèmes passifs avant d’intégrer les systèmes mécaniques pour viser la performance énergétique globale du bâtiment. « Avec cette nouvelle réglementation, on peut avoir une enveloppe 100 % en murs-rideaux et compenser avec de la mécanique hyperperformante, mais avec les désavantages de la maintenance et de l’opération des systèmes mécaniques. Inversement, avec l’intensité de la demande en énergie thermique, un bâtiment 100 % mur-rideau ne respecterait pas le seuil de passivité et ne pourrait pas être construit. Ça permettrait de se concentrer sur l’enveloppe qui va durer cinquante ou soixante-dix ans », compare-t-il.

Philippe Hudon regrette également que la performance énergétique exigée soit théorique, sans nécessité de la valider une fois le bâtiment construit et en opération. Pourtant, si la validation n’est pas exigée par la réglementation énergétique, elle pourrait le devenir par les villes. Ainsi, dans le cadre de son Plan climat et en vue d’atteindre la carboneutralité en 2050, la Ville de Montréal a adopté en septembre 2021 le Règlement sur la divulgation et la cotation des émissions de GES des grands bâtiments. Les propriétaires de bâtiments devront déclarer la consommation énergétique de leur bâtiment, avec un échéancier s’étalant de juin 2022 à 2024 pour inclure progressivement tous les bâtiments de plus de 2 000 m2 ou comptant plus de 25 logements. Cette divulgation est une première étape pour établir un système de cotation de la performance énergétique des bâtiments avec l’éventualité ultérieure d’imposer un seuil de performance.

Une feuille de route et des jalons, c’est aussi ce qu’il manque à la nouvelle réglementation énergétique. « Il faudrait connaître les prochaines étapes de la réglementation. J’aurais aimé voir une feuille de route avec des jalons visant une réduction de la consommation énergétique des bâtiments, commente Philippe Hudon. Les projets immobiliers se prévoient parfois sur cinq ou dix ans. Établir les budgets demande de la prévisibilité et aujourd’hui, on est dans le flou et on ne peut pas conseiller nos clients. » Une telle feuille de route enverrait aussi le message que les exigences actuelles ne sont pas une fin, mais seulement le début de l’efficacité énergétique.


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