Sauver les villes pour sauver la planète
Avec bientôt 80 % de la population mondiale en zone urbaine, il est primordial que les villes soient saines et bien gérées et la densification fait partie de la solution. Comparant les agglomérations de Québec et de Paris, il estime qu’il y aurait moyen au Québec de déployer la croissance à l’intérieur des périmètres urbains. « Hong Kong, poursuit-il, est probablement la ville la plus dense au monde et elle est entourée de forêts et d’espaces naturels qui occupent 80 % de la presqu’île. C’est presque l’archétype d’occupation du territoire qui pourrait nous aider à sauver la planète. » Car pour sauver la planète, argue-t-il, il faut sauver les villes, les rendre viables et intéressantes pour que les urbains aiment leur ville et y restent au lieu de s’installer toujours plus loin en périphérie. Et pour sauver les villes à l’échelle planétaire, il faut un plan d’aménagement de la planète, comme il l’écrivait dans un texte paru en mars 2020 – Le Sommet de la Terre à Paris – Pour une paix durable, Magazine FORMES1 –, en remettant au goût du jour la COP21 qui s’était tenue à Paris en décembre 2015.
Ce thème d’un urbanisme planétaire avait aussi été abordé à Québec en 2016 lors du congrès « Accent sur l’urbanisme », organisé conjointement par l’Institut canadien des urbanistes (ICU) et l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ). Consultant pour la firme Skidmore, Owings & Merrill, l’architecte Philip Enquist y avait présenté The Great Lakes Century – a 100-year Vision (FORMES, vol. 12, no 3). Dans cette vision à long terme du développement du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent, l’urbanisation allie les besoins en logement d’une population en croissance, le déploiement des infrastructures de transport et la protection des terres agricoles et des milieux naturels.
Manny Fortin
Sauver les villes pour économiser de l’argent
C’est en suivant cette vision holistique que le Québec devrait planifier le développement de son territoire. La province a déjà accompli une partie du travail en couvrant le territoire de schémas d’aménagement, comme l’exige la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. S’ajoutent la Loi sur la qualité de l’environnement, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et encore la Loi sur le patrimoine culturel, ce qui fait dire à Serge Filion qu’il y a trop de lois. « Il faudrait les fusionner en une seule loi pour penser ensemble les quatre dimensions de l’eau, l’air, le sol, le bâti », propose-t-il. C’est, selon lui, la solution pour maîtriser l’occupation du territoire, contrôler l’étalement urbain et réduire la taille des infrastructures. « Plus on s’étale et plus il faut étaler les réseaux de transport et de communication qui coûtent cher à construire et qui sont ensuite un puits sans fond à entretenir », rappelle-t-il.
Rendre aux personnes âgées
C’est là que l’urbaniste reboucle sa conférence sur l’hébergement des personnes âgées, car les millions de dollars économisés pourront être investis dans les transports collectifs, l’aménagement d’espaces piétonniers, les parcs, le cadre bâti pour améliorer la qualité de vie de tous les citadins, sans oublier les personnes âgées. Par exemple, des aménagements sécuritaires et adaptés aideraient les personnes âgées à s’approprier leur quartier comme le proposait Rana Boubaker, candidate au doctorat en aménagement à l’Université de Montréal.
Samuel Charron
Plus généralement, la démarche Municipalités amies des aînés (MADA) pourrait être étendue et devenir la norme. Ces millions de dollars économisés pourraient aussi renflouer les services de santé pour concevoir des CHSLD à échelle humaine en suivant les principes énoncés par l’architecte Siamak Barin (BARIN architecture + design) ; ou encore augmenter le budget d’aide et de soins aux personnes âgées pour leur permettre de rester chez elles, comme le suggérait Philippe Poirier-Monette, conseiller en droits collectifs à la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ).
Plusieurs conférenciers ont évoqué le manque de ressources financières pour améliorer la qualité des services aux aîné(e)s ainsi que la non-rentabilité des résidences de petite taille face à la logique du marché. Avec audace, la vision holistique de Serge Filion offre une piste de solution à une crise multiple.
Note