Comprendre l’architecture hostile : cause et effet de la restriction de l’espace public Dispositif installé sur le perron d’un immeuble de Marseille. Les boulons dissuadent les personnes de s’installer devant la porte. – Source : The Neighborhood Design Center

L’architecture hostile, également connue sous le nom d’architecture défensive ou de design d’exclusion, est une stratégie d’aménagement urbain dans laquelle les espaces et les structures publics sont utilisés pour empêcher certaines activités ou restreindre l’utilisation de ces lieux par certaines personnes.

Bon nombre de ces éléments de conception restrictifs ont visé les personnes sans domicile, et le conflit qui en a résulté a de plus en plus attiré l’attention des médias. The Neighborhood Design Center (NDC), un groupe multidisciplinaire du Maryland (architectes, urbanistes, designers sociaux, organisateurs communautaires) propose un dossier étoffé du contexte américain.

Mobilier urbain conçu pour empêcher les personnes de s’allonger. – Source : The Neighborhood Design Center

 

À Portland, dans l’Oregon, des supports à vélos et des bacs à fleurs stratégiquement placés bordent les trottoirs pour empêcher les itinérants de camper ou de se reposer dans ces espaces. À New York, des architectes se sont vu refuser l’autorisation de rétrécir le vestibule d’un bâtiment historique appartenant désormais à Tom Ford, afin de rendre l’immeuble « moins susceptible d’être occupé » par des personnes non logées. Dans le Connecticut, le projet de loi 6400 de la Chambre des représentants a été introduit pour interdire toute architecture hostile dans les espaces publics.

Pourtant, si l’architecture hostile est aujourd’hui principalement axée sur les controverses concernant les personnes sans domicile, ces éléments de conception sont ancrés dans des inégalités historiques et ont été mis en œuvre mondialement dans tous les domaines, de l’aménagement paysager à la planification des rues. Les idéaux qui sous-tendent cette pratique renforcent insidieusement la ségrégation, le désinvestissement et l’inégalité dans le paysage américain.

« Dans de nombreuses communautés où le Neighborhood Design Center travaille, les vestiges d’interventions antérieures hostiles laissent des espaces publics dépourvus d’une vie publique saine et dynamique, observe Briony Hynson, directrice adjointe chez NDC. Bien que chaque communauté présente une combinaison différente de facteurs, nous constatons à maintes reprises les effets négatifs à long terme de la conception visant à exclure. »

Pointes de sol à Shoreditch, Londres, conçues pour empêcher les sans-abris de dormir à même le sol. – Source : The Neighborhood Design Center

 

Cette pratique a laissé sa marque dans des villes du monde entier et est enracinée dans des inégalités historiques, favorisant la ségrégation et le désinvestissement dans le paysage mondial. L’architecture hostile n’est pas seulement superficielle, elle est systémique.

Si les effets néfastes de la conception excluante ont une longue portée, des organisations comme le NDC et d’autres reconnaissent à la fois la profondeur des défis posés par ces pratiques et l’impératif d’entreprendre un changement.

L’entrée du métro de Court Square, Long Island City, Queens. Des pointes sont disposées le long de la plate-forme pour empêcher les gens de s’asseoir. – Source : The Neighborhood Design Center

 

Au Québec, si la situation de l’architecture hostile est peu documentée, peu d’études existent sur le sujet, on observe plusieurs stratégies pour chasser les itinérants de certains quartiers. Dans un texte d’Impact Campus (mars 2020), Bruno Demers, directeur général d’Architecture Sans Frontières, explique l’apparition de l’architecture hostile dirigée vers les sans-abris par la présence de trois imaginaires, formulés par Michel Parazelli, postdoctorant en sociologie urbaine et professeur à l’UQAM : « l’imaginaire salutaire », « l’imaginaire démocratique » et « l’imaginaire écosanitaire ».

Des pierres, un choix pour contrer l’installation de campements. – Source : The Neighborhood Design Center

 

Du côté français, l’agence [S]CITY, une équipe d’experts en urbanisme, en architecture et en sciences cognitives pose aussi un regard critique sur les dynamiques de l’exclusion sociospatiale.


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