Décarbonation des bâtiments : un mouvement mondial en marche

Depuis l’engagement de 193 pays à l’Accord de Paris en 2015 visant à maintenir l’augmentation de la température moyenne de la planète bien en dessous de 2 °C, tous les secteurs d’activité doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). La décarbonation des bâtiments est donc devenue une priorité majeure planétaire dans la lutte contre les changements climatiques.

Ce mouvement mondial vise à repenser la conception, la construction et la gestion des bâtiments afin de les rendre plus durables et respectueux de l’environnement.

Le défi de la décarbonation

Positionnés au 3e rang des secteurs les plus contributeurs, les bâtiments sont responsables de 37 % des émissions de GES mondiales, issues de l’extraction des matières premières, de la construction, de leur utilisation et de leur fin de vie. La décarbonation des bâtiments consiste à réduire – voire même, dans la mesure du possible, à éliminer – ces émissions tout au long de leur cycle de vie. Plusieurs solutions émergent dont celles autour de l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, participant à une part importante des émissions de GES. Mais récemment, des recherches ont montré l’importance de considérer le carbone intrinsèque, c’est-à-dire le carbone émis par la fabrication des matériaux de construction.

L’Europe, leader mondial de la construction bas carbone

Face à l’urgence climatique, l’Europe s’est engagée politiquement à travers la mise en place d’une loi, fit for 55, visant à réduire de 55 % les émissions de GES d’ici 2030 et, à plus long terme, à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Touchant l’ensemble des secteurs d’activité, la nouvelle législation inclut douze propositions, dont la Directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB). Cette réglementation met l’emphase sur la réduction de la consommation énergétique des bâtiments. De plus en plus d’initiatives européennes intègrent le carbone intrinsèque, soit le carbone émis par la fabrication des matériaux de construction. C’est le cas de la Déclaration de Chaillot, signée par 70 pays en mars dernier lors du Forum bâtiment et climat, qui encourage l’utilisation de matériaux de construction à faible empreinte carbone. À travers la mise en place de ces politiques sur la décarbonation des bâtiments, l’Europe reflète son engagement à transiter vers un secteur à faible émission de carbone et promeut des pratiques de construction plus respectueuses de l’environnement.

Le Sara Cultural Centre à Skellefteå, Suède. Réalisé par White Arkitekter, cet édifice de 20 étages comporte une structure entièrement en bois. Deux systèmes structuraux ont été développés : un pour le centre culturel et un pour l’hôtel s’élevant sur 20 étages. L’hôtel a été réalisé à l’aide de modules préfabriqués en bois lamellé-croisé empilés entre deux cages d’ascenseur également en CLT. Le centre culturel de plus faible hauteur a été construit avec une structure de poutres et colonnes en bois lamellé-collé avec des murs de cisaillement en CLT. – Source : Visit Skellefteå

 

Le carbone intrinsèque : les nouveautés réglementaires des États-Unis

Aux États-Unis, l’arrivée de la version V5 de la certification LEED transforme le secteur de la construction vers une approche plus respectueuse de l’environnement. Cette nouvelle version cible la réduction du carbone intrinsèque dans l’ensemble des phases du cycle de vie d’un bâtiment, incluant le choix des matériaux et la phase de construction. La certification met en place de nouveaux crédits pouvant être obtenus en modélisant une analyse du cycle de vie (ACV) sur l’ensemble du bâtiment, en favorisant l’intégration de matériaux de construction à faible empreinte carbone, en choisissant des matériaux possédant une déclaration environnementale des produits (DEP) et en faisant le suivi des émissions de carbone provenant des chantiers de construction. Parallèlement, la United States Environmental Protection Agency (US EPA) lance un label dédié aux matériaux de construction avec une faible empreinte carbone. Au programme : l’EPA veut identifier les matériaux de construction à faible empreinte carbone, normaliser et améliorer la qualité des données utilisées dans les DEP et fixer des seuils carbone des matériaux de construction. Sur le long terme, ce nouveau label vise à certifier les matériaux de construction avec une faible empreinte carbone et à les répertorier dans un registre centralisé.

Toronto et Vancouver : des villes pionnières sur le carbone intrinsèque

Deux villes pionnières au Canada, soit Toronto et Vancouver, ont introduit dans leurs codes l’instauration de seuils de carbone afin de quantifier le carbone intrinsèque issu des matériaux de construction sur l’ensemble de leurs cycles de vie. Le seuil carbone représente la limite maximale de carbone que peut contenir un matériau de construction et un bâtiment pour être considérés comme bas carbone selon des normes, propres à chacune des villes. Ces seuils, fondés sur des données environnementales solides, sont essentiels pour encourager l’utilisation de matériaux à faible empreinte carbone dans la construction. Ils permettent aux gouvernements provinciaux de promouvoir des pratiques de construction bas carbone et de réduire l’empreinte carbone des bâtiments, contribuant ainsi à la lutte contre les changements climatiques.

À Toronto, le projet Limberlost Place, qui abritera les départements d’architecture et de technologie informatique du George Brown College, est le premier bâtiment en hauteur en bois en Ontario. Ce bâtiment académique de dix étages en bois massif sera à zéro émission nette. – Source : Moriyama Teshima Architects et Acton Ostry Architects

 

Le Québec mise sur le carbone intrinsèque

Au Québec, un nouveau projet de loi sur la performance environnementale des bâtiments vient de voir le jour. Le projet de loi 41, adopté depuis mars dernier, cible principalement l’efficacité énergétique des bâtiments. Alors que l’énergie au Québec provient d’une source renouvelable, soit l’hydroélectricité, émettrice d’une faible quantité d’émissions de GES, il est donc nécessaire de concentrer les efforts sur le carbone intrinsèque.

Cultiver la conscience carbone à travers un événement annuel au Québec

Ainsi, l’organisation d’un événement annuel dédié à la réduction du carbone intrinsèque et aux matériaux biosourcés s’avère être une initiative d’une importance capitale. Cette rencontre annuelle offre une occasion exceptionnelle de mettre à jour ses connaissances sur les défis et les progrès de la construction bas carbone et biosourcée au Québec, tout en s’inspirant des dernières innovations, ce qui favorise le réseautage et renforce l’engagement de réduire les émissions de GES.

Le nouvel hôtel de ville de La Pêche, tout en bois et à très haute efficacité énergétique, deviendra le premier bâtiment institutionnel certifié Passivhaus au Québec. – Source : BGLA Architecture Architecture

 

Un premier pas

Les 21 et 22 février 2024, le Forum construction bas carbone et biosourcée, un événement organisé par Cecobois, a permis de rassembler des acteurs clés de l’industrie : des experts, des législateurs, des chercheurs et des étudiants étaient présents afin d’échanger sur les meilleures pratiques de construction durable. Les thèmes du carbone intrinsèque, de la certification, des réglementations et des matériaux biosourcés ont été abordés, stimulant ainsi la créativité nécessaire pour repenser la façon dont les bâtiments sont construits. Le succès de cette première édition motive l’initiative Construction bas carbone avec le bois, créée par Cecobois, financé par le gouvernement du Québec dans le cadre du PEV 2023, à documenter l’empreinte carbone des bâtiments à travers la création d’un événement annuel favorisant la collaboration des professionnels de la construction autour de l’enjeu du carbone intrinsèque dans les bâtiments.

Le pouvoir de l’action collective

En réunissant chaque année les parties prenantes autour des réflexions sur le carbone intrinsèque dans les bâtiments, cet événement annuel permettra de mettre en lumière des solutions concrètes afin de réduire l’empreinte carbone du secteur de la construction à travers le choix de matériaux faibles en carbone.

Ne manquez pas la 2e édition du Forum CBCB les 4 et 5 février 2025 au Centre Mont-Royal, Montréal.


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