Nos tribunes numériques prennent le relais pour débattre des enjeux. J’emprunte la terminologie d’une précieuse collaboratrice, « il faut profiter de la crise pour inaugurer une nouvelle voie de développement ». Le dénouement de cette crise sera-t-il une occasion inouïe de questionner nos façons de faire, d’entreprendre un virage serré par rapport aux pratiques architecturales et territoriales, qui se doivent d’être plus harmonieuses et respectueuses de notre environnement ? L’environnement, cette autre crise planétaire malheureusement éclipsée derrière la crise actuelle du COVID, il faudra très tôt s’y attarder, d’autant plus que ces deux crises sont dans une certaine mesure interreliées, partagent bien des points communs.
L’après-crise nous fera-t-elle cheminer vers une meilleure façon de concevoir, nous entrainer vers le durable ou, crainte soulevée par certains interlocuteurs, de tabler sur une relance économique « facile », en stimulant des secteurs traditionnels, du fossile aux infrastructures autoroutières, plutôt que de miser sur une réelle transition énergétique. Certes, facile à dire, ce changement de paradigme n’est pas simple, mais il est porteur. Il y a de quoi à réfléchir.
On s’y attardera dans notre édition spéciale. Parmi les avenues questionnées, l’écart entre les mesures draconiennes pour atténuer la menace de la COVID-19 et l’absence d’action efficace contre les changements climatiques (lire La conversation), la thèse de l’anthropocène – nouvelle ère géologique déterminante, comment appliquer à l’architecture et au territoire les leçons tirées du discours d’Yves-Marie Abraham sur la notion de « décroissance » ? Par ailleurs, le mouvement « Shift Project » (les Shifters Montréal) de Jean-Marc Jancovici, un ingénieur français qui prône une décarbonisation de l'économie. Également, la réflexion des cosignataires du Manifeste pour une frugalité heureuse, Philippe Madec (architecte-urbaniste), Dominique Gauzin Müller (architecte) et Alain Bornarel (ingénieur). Ce manifeste, notent-ils, « ouvre les chemins de la frugalité, alternatifs aux visions technicistes, productivistes, gaspilleuses en énergie et en ressources de toutes sortes ». Le mouvement « Low tech » est une autre tendance, celle d’un changement de modèle pour une façon de construire technologiquement plus sobre, mouvement notamment appuyé par Julia Watson et l'ingénieur français Philippe Bihouix, ce dernier préconisant une planification de la décroissance.