Résurgence de l’économie circulaire
L’économie circulaire reprend la hiérarchie des 3RV que sont la réduction à la source, le réemploi et le recyclage. Dans le cas de la construction, cela s’applique aux matériaux, mais aussi au bâtiment lui-même. L’économie circulaire est très à la mode ces temps-ci, mais avant l’ère actuelle du gaspillage, elle a toujours existé. Christophe Huon, ingénieur en sciences et technologies des industries du bois, nous dit que le « réemploi dans le bâtiment est mis en œuvre depuis des milliers d’années ». Sauf que les matériaux et les modes constructifs ont changé. On ne recycle pas du bardeau d’asphalte comme on recyclait un toit en bois ou en ardoises !
Nicolas Bellerose, agent de recherche et de planification et analyste pour les programmes d’aide financière de RECYC-QUÉBEC, fait le point sur les pistes à suivre pour faciliter le recyclage des matériaux de construction. Peut-être qu’une meilleure traçabilité des résidus de CRD aiderait leur recyclage. Peut-être que l’évolution de la réglementation faciliterait aussi l’utilisation des matériaux écosourcés, c’est-à-dire qui incluent une part de matières recyclées. C’est ce que dit Arezki Tagnit-Hamou, professeur au Département de génie civil de l’Université de Sherbrooke, lui qui travaille depuis des années à l’incorporation de poudre de verre dans le ciment.
Plus largement, l’économie circulaire de la construction, c’est aussi la conversion d’un bâtiment plutôt que sa démolition. C’est aussi concevoir un bâtiment pour le déconstruire et pouvoir en extraire des matériaux recyclables plutôt que de le démolir pour n’en sortir que des broyats indistincts qui finiront au site d’enfouissement. Ce sont des pistes de réflexion du Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) et développées par Hortense Montoux, chargée de projet à l’École de technologie supérieure (ÉTS).
Blocs de terre compressée fabriqués de déblais. Source : Cycle Terre
La renaissance des matériaux naturels
Les matériaux naturels peuvent être biosourcés ou géosourcés. Là aussi, on semble les redécouvrir alors que, de tout temps, l’Humain a construit sa hutte, sa cabane, sa maison avec du bois, des fibres végétales, de la pierre, de la terre. Même aujourd’hui, nous apprend l’architecte Paul-Emmanuel Loiret, « un tiers de la population mondiale habite dans un bâtiment en terre ». Nul besoin d’aller dans les exotiques contrées du Sud pour en trouver. En France, des maisons traditionnellement construites en pisé sont toujours debout. Mais avec les nouvelles connaissances, ces matériaux se modernisent et les règles de mise en œuvre se précisent. Paul-Emmanuel Loiret, président de Cycle-Terre, raconte l’histoire de ce projet qui consiste à récupérer la terre des déblais de construction des chantiers parisiens pour en fabriquer des blocs de terre compressée et construire de nouveaux bâtiments. Ici, les stratégies de l’économie circulaire et des matériaux naturels se rejoignent.
Le bois est largement présent dans le gymnase de l’École centrale de Saint-Samuel-de-Norton. Source : Expose image – Architecte : BGA Architectes
Le bois aussi est utilisé depuis belle lurette pour se loger, comme le raconte l’architecte et technologue Jean-Claude Bignon. Et là aussi, les connaissances sur le matériau bois évoluent, ce qui ouvre la porte aux bois d’ingénierie et à l’utilisation d’essences forestières jusque-là délaissées. Laurie Lavallée, architecte associée chez BGA Architectes, décrit la construction d’un gymnase en bois alliant les poutres et colonnes en bois lamellé-collé et l’ossature légère en bois de sciage. Alexandre Morin-Bernard est étudiant au doctorat au sein de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois à l’Université Laval (CIRCERB) et met en lumière les propriétés mécaniques des espèces feuillues.
Les matériaux fibrés aussi sont utilisés de longue date dans l’habitat, et le prix TERRAFIBRA Award récompense l’utilisation contemporaine des fibres et de la terre. L’architecte Dominique Gauzin-Müller donne un tour d’horizon de l’édition 2021 de ce prix d’architecture pas comme les autres.
Finaliste aux TERRAFIBRA Awards, le Centre de services communautaire de Macha, Huining, Chine. Matériaux : pisé non stabilisé damé sur site (terre 50 %, gravier 30 %, sable 20 %). Source : OnEarthArchitecture, Wei Jiang et Jun Mu
Lors de l’édition 2019 des FIBRA Award figurait, parmi les finalistes, le projet HY-FI, une étrange tour en briques de champignons. Cette année, les champignons sont présents au Rendez-vous des écomatériaux avec Geoffroy Renaud, le directeur général de Mycélium Remédium Mycotech.
Des bétons aussi figurent parmi les matériaux biosourcés quand ils incorporent des fibres naturelles comme le chanvre, le miscanthus ou le colza. Boubker Laidoudi, responsable de la recherche et du développement et essais du CODEM (Construction durable et écomatériaux), explique comment le colza ajouté au béton permet d’en réduire l’empreinte environnementale. Même chose pour le béton de miscanthus, nous dit Snizhana Olishevska, la coordonnatrice du Réseau des plantes bio-industrielles du Québec. Ces bétons se développent et Philippe Lamarque, président de Wall’Up Préfa, retrace le développement de la filière chanvre en région parisienne et la préfabrication de panneaux en béton de chanvre.
Les graminées miscanthus et le panic érigé font l’objet de recherches pour les inclure dans des écomatériaux. Source : Snizhana Olishevska
Le long chemin des écomatériaux
Malgré ces nombreuses initiatives, la route des écomatériaux est longue depuis la R et D du laboratoire, au développement d’un prototype, puis la réalisation d’un projet pilote et jusqu’à la commercialisation. Cycle Terre a consacré 500 000 euros en essais pour mesurer les performances mécaniques de ses matériaux et développer les règles de mises en œuvre. À la MRC des Sources, le Carrefour d’innovation sur les matériaux offre justement des services de pilotage et un accompagnement technique aux entreprises qui développent des écomatériaux. Mais il faut encore les faire connaître, ces écomatériaux.
Nicolas Séguin, avec son entreprise NovEnviro, entend justement rendre accessibles les écomatériaux disponibles en Amérique du Nord. Une autre façon de les faire connaître est de les mettre en vitrine, comme l’a fait la MRC des Sources avec la Vitrine des écomatériaux au parc régional du Mont-Ham. La MRC a profité d’un nouvel aménagement du parc pour mettre en valeur des écomatériaux. Synergie Estrie, qui concevait l’aménagement, y a inclus des dalles écologiques et une aire de jeux en caoutchouc recyclé.
Bâtiment UP STRAW composé de modules 3D de bois et de paille. Photo : Denis Vasilov – Architecte : Caroline Broux, architecte associée fondatrice d’Helium3
À l’échelle du bâtiment, UP STRAW, le nouveau bureau du Cluster Eco-Construction en Wallonie, se veut un bâtiment de démonstration de la construction en bois et en paille. Les visiteurs peuvent aussi ressentir le bien-être et le confort généré par ce mode constructif. Car les écomatériaux n’ont pas seulement le potentiel d’améliorer l’empreinte environnementale de la construction. Ils ont aussi le potentiel de nous fournir des habitats plus sains.