Et si on remplaçait le gypse ? CIRCERB

Myriam Drouin, professionnelle de recherche, propose un article sur les travaux de la CIRCERB en lien avec le développement de panneaux muraux à base de… terre. 

Le gypse est partout dans nos bâtiments. Il assure le double rôle de finition intérieure et de protection contre le feu pour la structure. Son omniprésence fait en sorte qu’il compose une grande part des matériaux dont il faut disposer lorsque les bâtiments arrivent en fin de vie. Alors qu’on peut donner une deuxième vie à certains des matériaux issus de la construction, la rénovation et la démolition des bâtiments, dans le but de réduire l’impact environnemental du secteur de la construction, l’implantation de cette économie circulaire ne se fait pas sans défis pour la filière du gypse1.

Théoriquement, le gypse est recyclable à l’infini, mais dans les faits, la nature cassante de ce matériau rend difficile son recyclage. Étant non triés à la source, les résidus de gypse arrivent bien souvent contaminés dans les centres de tri, ce qui fait en sorte qu’encore une très faible proportion de ce matériau est récupérée et transformée en sous-produits. Ainsi, c’est presque la totalité du gypse qui finit sa vie dans les centres d’enfouissement. Au Québec, ce sont environ 190 000 tonnes de gypse annuellement qui sont éliminées de cette façon1.

L’avenue biosourcée

En attendant que cette filière se développe, une autre avenue pour gérer ce problème serait de trouver des substituts au gypse. Encore mieux, pourquoi ne pas se tourner

vers les matières premières biosourcées pour y parvenir ? C’est dans cette optique que Simon Pépin, stagiaire postdoctoral à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval, a entrepris des travaux sous la supervision du professeur Pierre Blanchet et en partenariat avec FPInnovations.

C’est plus précisément à partir de la terre argileuse qu’il a exploré le développement de panneaux alternatifs aux panneaux de gypse. Pourquoi la terre ? D’une part, parce que c’est une matière première abondante et économique, et dont l’extraction et la transformation génèrent peu d’impacts. D’autre part, la terre a une inertie thermique élevée et offre une bonne capacité pour tamponner l’humidité ambiante, permettant ainsi un contrôle passif de la température et de l’humidité intérieures. Enfin, elle a aussi un bon pouvoir d’insonorisation.

Deux types de panneaux muraux à base de terre ont été explorés : un premier, composé à 100 % de terre et dans lequel ont été ajoutés un adhésif de type PVA et de l’eau, et un deuxième dans lequel 4 % de la terre est substituée par de la fibre de bois. La fabrication des panneaux fut similaire à celle des panneaux de gypse commerciaux. Une fois les matières solides séchées et tamisées, elles furent mélangées à l’eau et à la colle. Ensuite, elles furent coulées entre deux feuilles de papier pour le gypse avant d’être séchées. Les propriétés des panneaux obtenus ont été étudiées et comparées à celles de panneaux en gypse traditionnels.

Les propriétés

La résistance au feu des panneaux muraux est un élément crucial pour leur usage à l’intérieur des bâtiments. Le comportement au feu des panneaux à l’étude a été évalué à l’aide d’un calorimètre à cône en suivant la norme ISO 5660. Ces tests ont permis d’établir que les panneaux en terre crue se comportent de façon similaire à ceux en gypse face au feu. Ils présentent un taux de dégagement de chaleur (figure 1) juste légèrement supérieur dans le temps, mais avec un pic de chaleur plus faible lors de la combustion du papier.

Figure 1 – Graphique du taux de dégagement de chaleur lors du test au cône calorimétrique. Le chêne rouge est présenté comme exemple de matériau de construction combustible.

 

Les propriétés mécaniques sont également importantes pour faciliter la manipulation et l’usage de ces panneaux. Un test de flexion (figure 2) en trois points a permis d’établir certaines propriétés des panneaux, dont le module de rupture (MOR) et le module d’élasticité (MOE). Ces résultats ont montré que les panneaux à base de terre sont moins cassants que ceux à base de gypse, mais qu’ils sont aussi moins flexibles. L’ajout de fibres de bois a permis d’accroître encore davantage la résistance des panneaux de terre, mais aussi de leur apporter un peu de souplesse.

Figure 2 – Graphique du module de rupture (gauche) et du module d’élasticité (droite).

 

En ce qui a trait aux propriétés acoustiques, un test de perte par transmission (figure 3) a été effectué à des fréquences de 150 à 4200 Hz à l’aide d’un tube d’impédance. Cette propriété, qui indique l’atténuation des sons lorsqu’ils traversent un matériau, affecte directement l’isolation acoustique entre deux pièces adjacentes. Le test a permis d’établir que les panneaux en terre offrent une meilleure atténuation des sons que ceux en gypse, ce qui représente un avantage notable pour l’usage de ces matériaux dans le bâtiment.

 

Figure 3 – Graphique de la perte par transmission lors du test au tube d’impédance (méthode à 3 micros).

 

Enfin, les travaux se poursuivent afin de pousser plus loin le développement de ces panneaux muraux à base de terre. Les objectifs incluent de déterminer la composition idéale de la terre utilisée et de substituer la colle PVA par de la fécule de maïs pour rendre le mur complètement compostable. D’autres propriétés sont également à l’étude, telles que l’inertie thermique, le tamponnage de l’humidité, la conductivité thermique et la force de résistance à l’arrachement de vis.

Référence

1 DELOITTE. Étude sur le gypse résiduel au Québec, 2018, 50 p.  [En ligne] : www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/etude-gypse-residuel-deloitte.pdf

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