1910-1924 : structure autonome de type rigide
Durant cette période, l’acier se répand à une vitesse phénoménale dans la plupart des structures. La métallurgie réalise un saut qualitatif avec l’introduction du four à foyer ouvert, qui permet d’éliminer plus d’impuretés et de mieux contrôler le taux de carbone. L’acier produit est à la fois plus homogène, plus fiable, plus résistant et plus ductile. On peut maintenant produire un cadre autonome, dit de type rigide, une structure plus économique que la précédente, parce que plus résistante à quantité égale, et atteindre aisément la limite de dix étages imposée jusqu’en 1924. Les murs deviennent purement décoratifs.
Édifice Duluth – 84-88, rue Notre-Dame Ouest – C’est entre 1912 et 1913 qu’est construit l’immeuble Duluth, baptisé en l’honneur de l’écuyer et explorateur français Daniel Greysolon, dit sieur Duluth. Conçu par la firme d’architectes Hutchison, Wood and Miller, il est conforme à la réglementation de 1901 limitant la hauteur des bâtiments à 130 pieds et à dix étages. Il a fait l’objet de travaux de restauration à la fin des années 1980. Photo : Normand Rajotte
Édifice Royal Trust – 105-107, rue Saint-Jacques – La construction de cet immeuble de bureaux de neuf étages conçu par les architectes new-yorkais McKim, Mead and White en collaboration avec Ernest Barott, de Montréal, prend fin en 1913. Tout comme l’édifice Duluth, le Royal Trust obéit à la réglementation concernant la hauteur et rappelle les trois parties d’une colonne classique – base, fût et chapiteau – arborant toutes un design différent. Photo : Normand Rajotte
1924-1929 : toujours plus haut
On s’affranchit partiellement de la limite des dix étages, en autorisant des constructions plus hautes à condition que la superficie de plancher ne dépasse pas celle d’un bâtiment de onze étages avec rez-de-chaussée, ce qui explique l’apparition des constructions en « gâteau de mariage », c’est-à-dire avec des marges de recul progressives, comme les deux édifices suivants.
Édifice de la Banque Royale – 360 rue Saint-Jacques – Dessiné conjointement par la firme new-yorkaise York & Sawyer et l’architecte employé par la banque, S. G. Davenport, ce gratte-ciel de 22 étages est à l’époque (1928) le plus élevé de tout l’Empire britannique. Ses trois sections distinctes s’expliquent par la réglementation en vigueur. Il arbore une enveloppe de pierre et une combinaison d’éléments évoquant plusieurs époques, tendance répandue dans les années 1920. Photo : Denis Tremblay
Édifice Alfred – 501-507, place d'Armes – Monumental gratte-ciel de 23 étages, l’édifice Aldred a été réalisé par l’agence d’architectes Barott and Blackader entre 1929 et 1931 pour la société financière Aldred and Co. Limited. Luxueux édifice de bureaux doté de tous les services « modernes », comme des ascenseurs ultrarapides, un système d’aspirateur central et même un incinérateur, il n’a rien perdu de son prestige. Photo : Normand Rajotte
La suppression de la limitation liée à la superficie et les progrès technologiques permettront ensuite de multiplier les ouvertures et le nombre d’étages. Parallèlement, on se met à utiliser l’acier de toutes sortes de nouvelles façons. C’est l’apparition des immenses portées, des atriums spectaculaires, des vastes espaces intérieurs : gare Windsor, bâtiment Sun Life, Forum de Montréal, tour de la Bourse, Place Ville-Marie, 1000 de la Gauchetière… Tout cet héritage a pris forme dans le Vieux-Montréal, berceau d’une audace architecturale et technologique qui suscite toujours l’admiration.