Polycor s’est donné le pari d’atteindre la carboneutralité en 2025, sachant qu’en 2021, l’entreprise a émis 25 000 tonnes d’éqCO2 pour l’ensemble de ses installations et sur les portées 1 et 2 du protocole international d’émissions de GES (GHG Protocol). « On a travaillé avec une firme-conseil pour bâtir un plan de réduction de 25 % des émissions de GES d’ici 2025 en améliorant l’efficacité énergétique, l’électrification des véhicules, des équipements et des bâtiments et par l’achat d’énergie renouvelable », détaille Jasmin Randlett. Polycor compte sur des stratégies de compensation pour les 75 % restants, et notamment sur l’aménagement forestier de ses sites d’extraction. « Quelque deux mille hectares de forêts seront aménagés pour constituer un puits de carbone », ajoute-t-il.
La Place Vauquelin, située au cœur du Vieux-Montréal, se distingue par son aménagement moderne et dynamique.
Le pavé, composé de granite québécois s’agence au caractère historique de la place publique. – Source : Polycor
Polycor a aussi fait réaliser les déclarations environnementales de ses produits pour connaître leur empreinte carbone intrinsèque, de l’extraction de la pierre jusqu’à la fin de vie du bâtiment. Par exemple, pour 1 m2 de façade en pierre calcaire ou en granite, cette empreinte vaut respectivement 21,5 kg éqCO2 et 40,6 kg éqCO2. Elle vaut 28,4 kg éqCO2 pour 1 m2 de carrelage ou de pavés de granite et 76,9 kg éqCO2 pour 1 m2 de comptoir en marbre.
Partant des données environnementales de ses produits, Polycor a estimé l’empreinte carbone de certaines de ses réalisations. Par exemple, la fabrication des 1 300 m2 de plancher de dalles de granite noir du pavillon Pierre Lassonde à Québec a généré 31 t d’eqCO2. Polycor s’est livré à un exercice fictif imaginant que la même surface soit couverte de terrazzo de la Terrazzo & Marble Company. En utilisant les données de la déclaration environnementale de produit de ce terrazzo disponible sur le site de l’entreprise, Polycor calcule que l’empreinte carbone de la fabrication de terrazzo atteindrait 45 t éqCO2, soit près de 50 % de plus qu’avec les dalles de granite utilisées.
Dans un exercice similaire, Polycor estime que la façade en calcaire du rez-de-chaussée de l’édifice Freedom Place à Old Parkland a une empreinte carbone plus de 10 fois plus faible que si elle était en béton.
L’ardoise d’Ardobec
En Estrie, les carrières d’ardoise étaient exploitées aux XVIIIe et XIXe siècles avant que l’arrivée des bardeaux d’asphalte ne freine leurs activités au XXe siècle. Pourtant, les toitures d’ardoises centenaires qui persistent de nos jours en Estrie et à Montréal témoignent du caractère durable du matériau. Ardobec l’a compris et a remis en activité la carrière Burke près de Val-des-Sources en 1999. « On est convaincu que l’ardoise fait partie du patrimoine, mais elle fait aussi partie des matériaux du futur », déclarait Alexis Martel. Depuis, Ardobec s’emploie à décliner l’ardoise en de multiples usages : de la toiture au comptoir de laboratoire, et jusqu’au sentier pédestre.
Le chalet du Marin, réalisé par La Shed architecture, met en œuvre une mosaïque d’ardoise naturelle d’Ardobec au sol et sur les murs intérieurs et extérieurs, – Photo : Maxime Brouillet – Architecture : la Shed architecture
Comme les autres pierres naturelles, la transformation de l’ardoise en matériaux de construction s’effectue sans procédé industriel énergivore. Il suffit de la couper et, comme l’ardoise est une roche fissile, « elle se scie plus rapidement et facilement que le granite », soutient Alexis Martel. L’empreinte carbone intrinsèque est, selon lui, de 10 à 15 kg éqCO2/m3, soit 15 à 75 fois moins que le béton ou la céramique. Elle se coupe en diverses épaisseurs pour être utilisée en revêtement, en maçonnerie, en dallage, en pierres – autant de formats qui, combinés à son étanchéité et à sa masse thermique, lui assurent plusieurs destinées architecturales. Les tuiles sont utilisées en toitures et en revêtement mural. En petits blocs, l’ardoise sert en maçonnerie. À l’intérieur, des plaques de grandes dimensions composent des comptoirs de cuisine et de salles de bain, des éviers et même des fonds de douche. Autour des foyers, la masse thermique de la pierre accumule la chaleur pour la restituer ultérieurement. « On utilise la pierre comme outil et non seulement pour l’esthétisme », commente Alexis Martel. Des dalles en ardoise peuvent tapisser le sol, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et ainsi assurer une continuité entre les deux milieux.
Enfin, rien ne se perd dans l’ardoise, car les résidus de coupe sont tamisés en agrégats ou poussières de diverses grosseurs en fonction des usages : sentiers pédestres, plates-bandes et entrées véhiculaires. « L’ardoise est multi-usage, c’est une pâte à modeler locale, comparait Alexis Martel, et on transforme l’entièreté de ce qu’on extrait. »
Matériau patrimonial, la pierre a de l’avenir dans le chemin de la carboneutralité du secteur de la construction et dans la décarbonation du bâtiment.