Le bâtiment paysage de Milan
En pleine construction de La Cité du vin, XTU remportait le concours pour le pavillon de la France à l’Exposition universelle de Milan en 2015. L’agence avant un an pour concevoir et construire un pavillon d’une surface au sol de 3 500 m2 avec plateau d’exposition au rez-de-chaussée et restaurant à l’étage. L’agence voulait aussi un bâtiment démontable qui puisse être reconstruit ultérieurement. « Pour tenir les délais, il n’y avait pas d’autres solutions que le bois », annonce Joan Tarragon.
Vue extérieure du pavillon de la France. Photo : © XTU-Andrea Bosio
En accord avec le thème de l’exposition « Nourrir la planète, énergie pour la vie », les concepteurs ont imaginé un bâtiment à l’image du terroir français avec ses reliefs et ses productions agricoles. Et pour une visite immersive, c’est le plafond du hall d’exposition, tout en arches de bois lamellé-collé, qui représente l’image inversée de ce terroir. « C’est un paysage inversé dans lequel les visiteurs allaient se promener, avec un plancher libre et des cultures qui tombent du plafond », décrit Joan Tarragon. L’ossature primaire est formée par un treillis de poutres et colonnes droites donnant la forme rectangulaire générale du pavillon. Ce treillis est connecté aux arches principales de la voûte paysagère. Ces arches sont à leur tour confortées par des arches secondaires formant une trame orthogonale et offrant des caissons où insérer les produits du terroir. Certaines de ces poutres ont un rayon de courbure aussi petit qu’un mètre tandis que d’autres présentent une double courbure. C’est grâce à Simonin, le fournisseur de bois lamellé-collé et son robot à commande numérique couplé au logiciel d’architecture et capable de découper les poutres dans toutes les dimensions, que XTU a poussé plus loin l’exploration du potentiel du matériau bois. Pour ajouter à la magie des lieux, ces poutres aux courbes extrêmes s’enchevêtrent sans système de fixation apparent. « Simonin a mis au point le système Résix®, des fixations invisibles. Au lieu d’avoir des ferrures extérieures, ça se passe à l’intérieur du bois. De l’extérieur, on ne comprend pas comment ça s’emboîte », décrit Anouk Legendre. Le pavillon est ceinturé de 172 poutres de bois de mélèze lamellé-collé.
Pendant ce temps à Québec
Des étudiants de l’École d’architecture de l’Université Laval s’attellent aussi à la conception de structures complexes en bois. C’est une question d’esthétique et d’ambiance, mais aussi d’efficacité énergétique, car l’adoption des principes bioclimatiques peut mener à des formes non conventionnelles. D’ailleurs, le profil de La Cité du vin imaginé par les concepteurs a été optimisé par des essais en soufflerie et il a fallu ajuster la structure de bois sous-jacente. C’est là un défi, car les techniques constructives traditionnelles mettent en œuvre des formes orthogonales. « La matérialisation de formes complexes avec des éléments orthogonaux donne parfois lieu à une inefficacité structurale et une surutilisation de matériaux », illustre Philippe Charest, étudiant à l’École d’architecture et qui s’intéresse aux résilles de bois. Pour concevoir ces formes complexes, la modélisation paramétrique devient inévitable. Et alors que la modélisation des données du bâtiment (MDB ou BIM en anglais) fait son chemin dans le milieu du bâtiment, il préconise le logiciel de conception Rhinoceros greffé du plugiciel de modélisation paramétrique Grasshopper. « BIM est indispensable pour intégrer le travail des différents professionnels sur un même bâtiment, mais les logiciels favorisent souvent l’utilisation d’éléments standards, justifie Philippe Charest. Il devient donc difficile d’explorer des géométries nouvelles et des façons de construire innovantes. »
Pour décrire sa recherche sur les résilles, il prend l’image d’un filet suspendu qui prend de lui-même la forme naturelle en fonction des forces en présence. « Le travail en tension d’un filet suspendu équivaut au travail en compression de sa forme retournée. Cette technique intuitive est donc intéressante pour la prise de forme d’une résille en bois », explique-t-il. En intégrant une certaine permissivité dans le processus de conception, les membrures vont se déplacer les unes par rapport aux autres pour donner à la résille une configuration optimale. La modélisation paramétrique permet alors d’appliquer des paramètres qui vont conditionner la forme optimale. En jouant sur la complexité de la forme (courbure simple ou multiple), sur la disposition des membrures (orthogonalité ou intersection) et les propriétés du bois (essences), Philippe Charest a imaginé une matrice de 64 prototypes. À l’issue de leur modélisation, les plus efficaces seront construits pour valider la construction, la résistance de la structure et l’ambiance qu’elle génère.
Les premières bases sont posées pour sortir le bois de l’orthogonalité.