L’affichage dans le paysage urbain Gare Windsor - Archives du Canadien Pacifique, A11302

Il est difficile de se déplacer dans la ville sans être confronté à une panoplie d’affiches et de panneaux publicitaires aux dimensions variées. Que l’on emprunte les passages intérieurs ou qu’on utilise les transports en commun, les supports d’affichage imposés aux façades richement décorées ou parfois vandalisées par l’ajout de graffitis utilisent de multiples stratégies de communication destinées à nous informer, mais surtout à nous séduire. Pour ce faire, tous les moyens sont bons, même l’emploi de véhicules publicitaires et d’écrans vidéo mobiles!

Si l’on observe l’évolution des métropoles de la planète, on remarque que les panneaux publicitaires, affiches et murales se sont toujours greffés à l’architecture, tout en s’intégrant au caractère spécifique de chaque quartier. L’affiche a été utilisée dans l’espace public depuis des siècles, mais c’est le début de l’industrialisation et l’évolution des techniques d’impression à grand tirage qui l’ont imposée comme médium de communication efficace. 

Marc H. Choko, professeur émérite à l’École de design de l’UQAM et membre honoraire de la SDGQ, souligne le fait que l’affiche se développe avec la ville qui grandit – pour faire partie intrinsèque du paysage urbain. Selon lui, il est inconcevable de penser à interdire l’affichage dans certains quartiers de la ville, car son rôle est essentiel à la communication et à l’information. Certains politiciens ont même pris position à cet égard.

Il ajoute : « Il faut d’abord préciser que, selon moi, toute affiche est publicitaire, car elle vend ou fait la promotion de quelque chose, que ce soit un produit de consommation courante, un spectacle, un événement, etc. La qualité d’une affiche dépend de plusieurs critères, mais surtout de la relation qui s’établit entre le graphiste et son client, afin d’obtenir un produit de qualité. Pour cette raison, je crois qu’il est préférable de parler d’une bonne affiche, plutôt que d’une belle affiche, c’est-à-dire d’une affiche qui véhicule bien son message et possède aussi des qualités esthétiques. »



ELEKTRA est une manifestation culturelle de grande qualité à Montréal, présentant des artistes et des œuvres qui allient musique électronique et créations visuelles issues de nouvelles technologies. La campagne du festival ELEKTRA 2013 sous le thème de l’Anti/Matière a été créée par Baillat Cardell & fils. Cette campagne inclut plusieurs outils de communication, soit des vidéos promotionnelles, des affiches ainsi qu’un site Web informatif et un deuxième site expérientiel.Source : Baillat Cardell & fils – Photos : Simon Duhamel

De fait, la clarté du message, la concision et la lisibilité (à distance) représentent les critères essentiels d’une affiche efficace. On ajoute à cela une forte identification de la marque pour permettre de bien la positionner, afin d’occuper pertinemment l’espace qui lui est accordé dans un environnement souvent saturé d’information.

« Il faut évidemment considérer la variété des supports disponibles pour l’affichage dans l’espace urbain, précise Marc H. Choko. Qu’il soit électronique, lumineux, de grand format, mobile ou simplement imprimé et placardé sur une palissade, chaque support est utilisé dans une stratégie globale de communication, en étant adapté aux budgets disponibles et à des clients aux besoins très différents. Par exemple, une affiche de palissade est faite pour être vue par le piéton, alors qu’un panneau placé le long d’une voie rapide offre un espace-temps fort réduit pour que son contenu soit décodé par le conducteur d’un véhicule en mouvement. »

Pour Guillaume Cardell, directeur de création chez SID LEE, « l’espace urbain est le lieu de rendez-vous d’expression et d’échanges par excellence, s’il respecte l’intelligence de ses habitants et ajuste son propos en fonction de la réalité quotidienne de sa société. L’affiche représente un élément de culture qui se doit de respecter et de s’harmoniser avec son environnement et son mobilier urbain. Elle met à l’avant-plan son rôle d’habillage du paysage qui transcende sa mission traditionnellement informative et elle oblige une relation consciente ou inconsciente entre la population et le médium, pour laisser une empreinte qui est véhiculée selon l’interprétation de chacun. C’est le devoir de son concepteur, de son créateur que de servir un propos visuelet de transmettre un message clair s’il est simplifié ».

Selon lui, une forte distinction est nécessaire. « À l’opposé des panneaux publicitaires qui envahissent l’espace urbain et s’imposent en tant que pollution visuelle, l’affiche tend à s’harmoniser avec son environnement. Bien que nous souhaitions que l’affichage soit légiféré par un code d’éthique ou d’urbanisme, l’affiche – en raison de la nature statique et éphémère de la relation qu’elle opère avec ses sujets – doit tenir compte de son environnement pour assurer un impact positif. »




Série d’affiches réalisées pour les expositions et le livre du 25e anniversaire de Publicité Sauvage, 2012. Source : Marc H. Choko


Souvent imprimée en petites quantités, avec une ou deux couleurs, l’affiche de palissade utilise divers formats et papiers de manière à créer des effets séduisants, par exemple lorsqu’elle incorpore subtilement des vernis et des encres métalliques. Par contre, les enjeux de l’espace qui l’accueille en font un médium éphémère. Souvent placardée devant des terrains vagues ou en construction, elle est à la merci des équipes de chantier et des passants, tout en subissant les affres du climat.

Que l’on préfère les supports papier aux larges panneaux publicitaires, l’affichage est une technique de communication qui utilise une panoplie de formats et supports pour véhiculer son message aux yeux de tous. En effet, l’affichage numérique et ses aspects interactifs permettent de redéfinir les façons de communiquer un message publicitaire en générant de nouveaux contenus adaptés aux moments de diffusion. Afin de devenir plus efficace pour rejoindre une clientèle cible, on conçoit maintenant qu’un support numérique puisse à la fois diffuser des nouvelles et de la publicité en alternance.

Si la fusion des médias et l’usage des applications mobiles laissent leur empreinte sur l’évolution du paysage urbain, il y a lieu de se demander quelle forme prendra l’affiche de demain.

À ce propos, ajoute Guillaume Cardell, « malgré mon amour profond pour le papier et toutes les techniques d’impression existantes, je prône l’évolution de ce médium statique vers un modèle plus polyvalent dans le temps, c’est-à-dire des projections visuelles animées, qui appuient le propos de façon claire et artistique. Cette forme d’affichage a le pouvoir d’évoluer, de s’adapter, et ce, afin d’ajuster le message, le contenu selon les conversations quotidiennes entre le sujet et l’habitant. Les contenus animés permettent un échange collaboratif et un ajustement, selon la réponse positive ou négative ».



Pièces promotionnelles pour le 41e gala des Ballets Jazz de Montréal. Source : Baillat Cardell & fils

Pour conclure, les messages électroniques ont tendance à standardiser leur contenu afin de s’adapter aux formats disponibles pour promouvoir leurs biens de consommation dans l’immédiat. Par conséquent, il y a peu de volonté de la part de leurs créateurs de laisser une trace pour les générations à venir. Par contre, l’affiche papier s’inscrit dans une longue tradition et, par le fait même, elle demeurera probablement encore longtemps, à plus forte raison parce qu’elle reste accessible à des clients qui disposent de moyens financiers plus limités. C’est donc dire que les deux traditions sont appelées à cohabiter, tout au moins pour le moyen terme...


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