Voilà bien un véritable désastre
La photo plaide d’elle-même : un affront au paysage d’ensemble de la capitale, à la réputation du côté exemplaire des interventions de l’État et à la solidité structurelle de la falaise déjà sécurisée naturellement par son couvert végétal bien implanté.
Coupe à blanc sur le Cap Blanc, panorama avant-après.
Bien plus, cela constitue un manque de respect pour la réglementation municipale et régionale clairement exprimée par le premier schéma d’aménagement unanimement adoptée par tous les maires de la région en 1985. Laquelle règlementation concernant les interventions majeures en fortes pentes demeure en vigueur dans les documents actuels de planification de la Ville et de la Communauté métropolitaine de Québec depuis 2014. Et pour cause !
Une des innovations remarquées de ces documents consistait justement à y interdire les travaux de construction dans les escarpements naturels. Elle visait à valoriser les corridors fauniques, les paysages remarquables et les caractéristiques naturelles essentielles du site de la ville. Ainsi on pourrait apprécier la topographie, la géomorphologie, la géologie et la biogéographie tout en protégeant la végétation naturelle de la falaise caractéristique de la vallée du Saint-Laurent et de ses berges. La ceinture verte de la capitale n’a jamais été aussi pertinente qu’en ces temps de développement durable et responsable. La mode est au renforcement de la nature en ville plutôt que l’inverse.
Ce qui est le plus intriguant, c’est justement qu’aucune allusion à propos de ce geste brutal ne fut portée à l’attention du Bureau d’audience publique sur l'environnement (BAPE), ni à la Ville de Québec ni dans les médias. Ces faits ont-ils été oubliés accidentellement ou la décision de procéder à cet abattage a-t-elle été prise ultérieurement aux consultations et à la production du rapport d’audience du BAPE ? Nous préférons faire le pari de la bonne volonté, mais des explications s’imposeraient sur le geste et les suites à donner.
Dans les deux cas, c’est un peu troublant !
Car ce projet de la phase trois de la promenade Samuel de Champlain avait tout naturellement rencontré un fort degré d’assentiment auprès des autorités impliquées et des publics participants aux audiences. Sans grande surprise d’ailleurs, étant donné le caractère légendaire de ce grand projet d’aménagement des espaces publics en face de la capitale et sur tout son littoral procurant ainsi un vaste accès public au fleuve pour les résidents et les visiteurs. Un espace dont le concept d’aménagement et de design urbain rencontre un large consensus auprès des utilisateurs de la première phase enclenchée, construite et inaugurée au tout début de l’an 2000, juste avant le 400e de Québec. Jamais personne ne s’est douté d’un dénouement aussi imprévisible et d’un traitement aussi surprenant d’une partie importante de son paysage de front de mer. « Redonner le fleuve aux Québécois » était son slogan. Que s’est-il passé ?
Il ne nous appartient pas de distribuer les blâmes. Mais une telle intervention soulève beaucoup de questions légitimes auprès de la plupart des urbanistes et des populations concernées. Que le maire de Québec dise ne pas avoir été prévenu ni consulté auparavant nous inquiète étant donné le fort niveau de coopération qui devrait aller de soi pour ces deux organismes publics, conjointement et solidairement responsables de l’embellissement de la capitale nationale du Québec. Même si cette intervention s’avérait indispensable en matière de sécurité publique, ce dont nous doutons sans avoir vu toutes les options possibles et imaginables, il aurait tout au moins fallu informer et expliquer aux partenaires du projet un tel geste incompréhensible dans l’espace public avant de passer à l’acte.
Comment réparer une telle balafre ? Est-ce possible ?
À titre d’exemples, rappelons le Mur mémoire érigé par le CCNQ à l’entrée de la promenade de la Plage Jacques Cartier ou encore le mur de pierres érigé par la Ville de Québec au pied de la falaise au bas de la Citadelle dans le Vieux-Québec.
Le Mur mémoire béatifiant les puissants arbres aperçus par Jacques Cartier en 1542, site archéologique du parc Cartier Roberval à Cap-Rouge. Photo : CCNQ
Une très belle signature respectueuse de son milieu d’accueil. Ces deux falaises sont encore tout aussi instables que celle dont il est ici question et sont bordées de passages piétons largement utilisés par les résidents et les touristes, sans compter les milliers de voitures, de camions et d’autobus touristiques qui le fréquentent chaque jour sur le boulevard Champlain dans le Vieux-Québec. Nous cherchons une logique d’ensemble, une vision globale, une explication plausible.
Mur de pierres au pied de la Citadelle dans le Vieux-Québec. Un exemple à suivre.
Un mur semblable aurait-il été suffisant pour protéger la voie ferrée et en même temps la conservation de la forêt climacique solidement établie sur le flanc de la falaise ? Cette action largement irréparable commande de toute urgence les mesures de mitigations appropriées fort bien connues du ministère des Transports du Québec. Mais cependant rien ne remplacera à court et moyen terme le boisé disparu et son écosystème ravagé.