Nous allons manquer d’espace ou le redoutable effet secondaire du COVID-19 intégral Jean Beaudoin – www.ijb.ca

En marge du « corridor sanitaire » imposé par la COVID-19, l’architecte Jean Beaudoin pousse la réflexion plus loin et propose des concepts pérennes à l’échelle humaine de partage de rues et espaces publics.

Dans nos rues commerçantes, nos écoles, la somme des vides imposés par le COVID-19 bousculent les aménagements de nos espaces collectifs.

Dans nos espaces aux dimensions déterminées par la propriété et par l’architecture, la nécessaire mise en place des consignes de distancement social aura un impact immense sur notre vie en société… et sur notre économie.

Dans l’urgence, les aménagements de file d’attente, de périmètre de sécurité, de corridor sanitaire, de signalisation sont faits en majorité sans architectes.

Les plans d’affaires pour les restaurants seront décimés par la perte de place.

Les besoins d’espaces feront exploser des écoles déjà trop petites.

Les files des arrêts de bus et de quai de métro s’étireront et le temps d’embarquement aussi.

Les trottoirs n’auront plus une largeur qui nous permettra de nous croiser.

Les besoins de « reconception » sont urgents dans l’ensemble de nos espaces collectifs.

À l’échelle de nos quartiers et nos villages, la situation des rues commerçantes est particulièrement préoccupante, car elles sont essentielles à la qualité de vie de proximité, et leur vitalité dépend de la survie de leurs commerces riverains.

Sans les restaurants, les épiceries, les micro-brasseries, les boutiques et les dépanneurs, la vie de quartier sera bien similaire à la vie de banlieue.

Et si nos rues commerçantes se modulaient selon les périodes de la semaine… et pour le déconfinement ?

Les paysages de toutes les rues commerçantes de tous les quartiers et les villages du Québec sont modulés par les saisons. Tous les Québécois et toutes les Québécoises changent leur comportement selon les saisons, les jours de la semaine et les heures de la journée. Alors pourquoi, dites-moi, les espaces de nos rues commerçantes sont-ils figés ?

Pourquoi est-ce si long de passer une voie de stationnement en allée piétonne ? Pourquoi les cyclistes sont-ils aussi rigides que les automobilistes quand on propose de partager une piste cyclable ? Pourquoi réservons-nous quatre voies au transit de véhicule, en tout temps, sur des rues qui veulent voir des clients s’arrêter au lieu de passer ?

Sur le Plateau, l’aberration c’est la rue Saint-Denis

Six voies (six !) dédiées transit, été comme hiver, heure de pointe ou pas, semaine comme weekend. Une surproportion de voies véhiculaires par rapport à l’espace du piéton qui ne lui est pas unique à l’échelle du Québec. Au lieu des six voies figées de Saint-Denis, si on abordait son aménagement dans une perspective plus dynamique, on pourrait doter notre quartier d’espaces exceptionnels.

intégral Jean Beaudoin – www.ijb.ca

Au lieu des six voies figées de Saint-Denis, si on abordait son aménagement dans une perspective plus dynamique, on pourrait doter notre quartier d’espaces exceptionnel.

- Une ligne orange de surface aux heures de pointe

- Une grande terrasse (rouge idéalement) hors pointe

- Un marché le weekend

- Une foire des enfants le 1er weekend du mois 

La grande terrasse rouge sur Saint-Denis – intégral Jean Beaudoin – Photo : Guy Lavigueur

L’été (surtout celui du COVID-19)

S’il y a un moment pour donner de l’espace aux piétons et aux commerçants, c’est bien en cette période de déconfinement. En dédiant momentanément les trottoirs aux commerçants, on leur donnera de l’espace pour gérer les files d’attente d’entrée, les transactions… et un peu de marge de manœuvre pour qu’ils remontent la pente.

Les voies de stationnement « pré-COVID-19 » deviendraient de grandes promenades pour les piétons. Plus au centre, on aménagerait une allée bordée de bancs pour qu’on puisse se jaser à deux mètres. Aux heures de pointe, on dédiera cette allée pour les vélos, car il y aura encore des « pressés » qui devront transiter « sur une autoroute de vélos ». On travaillera à les ralentir, car l’objectif d’une rue commerçante n’est pas d’être un transit, mais d’être un espace collectif à expérimenter.

intégral Jean Beaudoin – www.ijb.ca

En semaine sur les deux voies du centre

 

Avec le distancement social, les métros de la ligne orange qui débordent ne suffiront plus aux heures de pointe. Et si on dédiait deux voies à une « ligne Orange de surface » de 7 h à 10 h et de 15 h à 18 h. Le reste du temps, ces deux voies pourraient être un sens unique avec allée temporaire de stationnements pour les livraisons et les débarcadères-minute.

 

Les weekends pour un grand marché public

 

Partout en Europe, des places, des rues accueillent un marché les weekends. Pourquoi pas sur Saint-Denis ? Les weekends, pas besoin de ligne orange de surface (il y a le métro sous la rue) ou de « l’autoroute à vélo ». On pourrait donc installer un marché pour les fermes de la région… en plein milieu du quartier.

 

Une fête pour les enfants les premiers weekends du mois ?

 

Question de donner une pause aux fermiers, manger un peu de bonbons, et s’amuser un peu, on pourrait léguer le centre de la rue aux enfants la première fin de semaine du mois. La rue Saint-Denis est un exemple d’une approche qui pourrait s’appliquer à beaucoup de rues principales dans nos quartiers et nos villages.

 

Pour avancer ensemble vers une meilleure utilisation et une meilleure expérience dans nos espaces collectifs, selon moi, il faudra que l’automobiliste, le cycliste, et même certains piétons, acceptent de partager ses espaces. Il est temps de réfléchir à nos espaces collectifs selon des « moments d’urbanisme ».

 

C’est un travail que les élus, les fonctionnaires, les entrepreneurs doivent faire en collaboration avec les architectes et les designers. Dans ce grand défi collectif, il faut donner de l’espace aux experts en aménagement.

 

C’est urgent… parce que nous allons manquer d’espaces.

 


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