Construire en bois sans raser la forêt Colocho – Wikipédia

« La réaction du public pour les bâtiments en bois est positive, mais la réaction du public pour la récolte de bois est négative », constate Évelyne Thiffault, professeure adjointe au Département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval. Il y a là un dilemme à résoudre qui s’avère d’autant plus difficile que la construction bas carbone risque de pousser à la hausse la construction en bois, et donc la coupe forestière.

La forêt québécoise pourra-t-elle suivre le mouvement ? Oui, pense Évelyne Thiffault, car les coupes forestières sont maintenant calculées en fonction de la croissance des arbres. Mais les changements climatiques vont demander des ajustements.

Photo : Sebastian Pociecha, Unsplash

Dressant un historique récent de l’industrie forestière, Évelyne Thiffault a rappelé comment la Commission sur la protection des forêts, en 1991, avait jeté de nouvelles bases. « L’enquête a révélé l’importance de la naturalité des forêts avec l’idée de réduire le recours à la plantation, d’éliminer l’utilisation des phytocides pour favoriser la régénération naturelle », décrit-elle. Les phytocides étaient en effet utilisés pour tuer les essences non désirées et ne conserver que les essences commerciales. Le rapport de la Commission recommandait alors l’arrêt des phytocides et de maintenir la naturalité de la forêt. Mais cela n’a pas suffi à calmer les inquiétudes, surtout après la sortie du documentaire L’erreur boréale de Richard Desjardins et Robert Monderie. « Un documentaire et non une étude scientifique, souligne Évelyne Thiffault. Le documentaire comportait des erreurs factuelles, mais aussi assez de véracité pour amener une remise en question des pratiques de foresterie. »

S’ensuivit la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique en 2004, la création du Bureau du forestier en chef en 2005 et, en 2013, la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier. Cette loi instaure le principe de l’aménagement écosystémique selon lequel les coupes forestières doivent imiter les perturbations naturelles que sont les feux de forêt ou les épidémies d’insectes. Il revient aussi au forestier en chef de calculer les possibilités forestières, c’est-à-dire le volume maximal de bois qui peut être récolté par année dans les forêts publiques, sans compromettre la capacité de la forêt à se régénérer. Or, il s’avère que depuis 2011, les coupes sont toujours inférieures à la possibilité forestière. Évelyne Thiffault précise que « c’est surtout le prix du bois d’œuvre qui influence la quantité de la récolte ». Quand le prix monte, la récolte augmente. C’est le marché nord-américain qui dicte le prix. D’ailleurs, 45 % des ventes manufacturières du Québec pour les produits du bois sont destinés au marché mondial (dont 95 % aux États-Unis). C’est ce qui fait dire à Évelyne Thiffault qu’il y a une marge de manœuvre pour utiliser plus de bois au Québec car, d’une part, « on ne récolte pas tout ce que la possibilité forestière permet de récolter » et, d’autre part, « sans récolter plus de bois, on serait capable d’en destiner plus au marché québécois ».

 

Photo : Daniel Sessler, Unsplash

Mais les changements climatiques risquent de changer la donne. « Les changements climatiques vont mettre les forêts sous haute tension. On va continuer d’avoir besoin du bois comme source de matériaux et d’énergie, mais il va falloir changer notre demande envers le territoire forestier. Il va falloir résoudre la quadrature du cercle », prévient Évelyne Thiffault. Elle explique que les forêts vont se transformer, notamment en matière de composition des essences forestières. « Les espèces utilisées pour la construction ne seront peut-être plus là dans le futur. L’industrie va devoir s’adapter pour être capable de transformer les espèces qui seront résilientes au climat en changement. »

L’innovation devra être au rendez-vous.


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