À l’époque, les concepteurs avaient eu recours aux Green Building Tools, l’ancêtre de la certification LEED. Le bâtiment a même reçu le titre de premier bâtiment industriel écologique au Canada. « Depuis 2006, tous les bâtiments qu’on a construits visent au minimum la certification LEED », ajoute Charles Larouche. Pas étonnant que ce soit également le Technopôle qui ait accueilli le premier bâtiment certifié LEED Core and Shell au Canada : le 4100 rue Molson. « Il était tellement en avance sur son temps qu’il s’agissait alors d’une certification américaine qui n’existait pas encore au Canada », précise-t-il.
L’îlot central – composé des phases 1 et 2 de la Cité Angus, de la cité médicale Angus et de la résidence étudiante La Rose des vents – assure même une boucle énergétique entre les différents bâtiments afin de recycler la chaleur et de la redistribuer selon les besoins. À cela s’ajoute un système de récupération de l’eau de pluie. Éventuellement, la gestion des matières résiduelles sera centralisée pour tout le site. Le nouveau bâtiment en bois – intitulé Bloc 3 pour le moment – viendra se greffer à cet écosystème.
Provencher_Roy
Viser carbone zéro
Victime de son succès, le Technopôle Angus fait maintenant face à un beau problème : le manque d’espaces disponibles. C’est ce qui a poussé, à l’hiver 2023, la Société de développement Angus à lancer la conception du Bloc 3, situé au 4151 rue Molson, afin de pouvoir offrir de nouveaux espaces à bureaux et commerciaux. Dès le départ, l’équipe de projet a réfléchi à la façon d’amener le développement durable au prochain niveau. « Le but était de développer notre premier bâtiment à carbone zéro, soutient Charles Larouche, sensible aux derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). La production des matériaux est un énorme contributeur de GES… Ça devrait être obligatoire d’encadrer ça. » Cette volonté a conduit les concepteurs à viser les normes du bâtiment à carbone zéro MC (BCZ), tant pour le volet Conception (BCZ-Design) que pour celui de la performance opérationnelle (BCZ-Performance).
Pour atteindre les exigences de cette ambitieuse certification, rien n’a été laissé au hasard. La firme d’architecture Provencher_Roy, reconnue pour son expertise en matière de développement durable et partenaire de longue date du Technopôle Angus, a ainsi été mise à contribution. « Pour la certification BCZ, nous avons réalisé plusieurs analyses de cycle de vie du projet, et ce, dès les premières esquisses, explique Guillaume Martel, architecte associé chez Provencher_Roy et expert en développement durable pour ce projet. Nous avons analysé une structure d’acier, une structure de béton, une structure de bois… Cela nous a conduits à rainer la réflexion et à voir l’impact réel de faire ce projet. » Ces analyses ont favorisé la prise de décisions éclairées, notamment celle de réduire le nombre de cases de stationnement. Les différents scénarios réalisés en amont avec les ingénieurs en structure ont permis de conclure qu’une structure en bois, conjuguée à d’autres solutions environnementales, réduisait de près de 50 % l’empreinte carbone de la structure. « Ce sera le bâtiment le plus écologique de l’îlot central », estime Sonia Gagné, architecte associée principale chez Provencher_Roy et chargée de projet pour le Bloc 3.
Provencher_Roy
L’utilisation d’une structure 100 % en bois est une première pour la Société de développement Angus, qui ne compte pas s’arrêter là. En plus de leur impact environnemental réduit, les poutres et colonnes en bois lamellé-collé laissées apparentes ainsi que le pontage en bois lamellé-croisé contribueront également à créer des environnements intérieurs chaleureux qui seront bonifiés par des terrasses végétalisées et des vues sur le mont Royal. « L’idée n’était pas de faire un compromis : une structure en bois offre à la fois des espaces de travail chaleureux, confortables et écologiques », précise Sonia Gagné.
Des matériaux avant-gardistes
On peut s’en douter : la conception d’un bâtiment à carbone zéro a demandé une réflexion poussée en matière de choix des divers matériaux utilisés, aussi bien pour les parements extérieurs que les éléments de structure. Ce défi a mené à opter pour un revêtement en céramique, un matériau qui n’est pas sans rappeler celui de la Maison des infirmières et infirmiers du Québec, et à intégrer des panneaux photovoltaïques innovants dans les vitrages de la façade principale. « La partie en L est formée de panneaux photovoltaïques opaques, et la partie composée de petits points est formée de panneaux photovoltaïques en vision, c’est-à-dire que l’on peut voir au travers », illustre Sonia Gagné. Ces derniers sont en fait de petites pastilles intégrées dans les vitrages, donnant une impression de sérigraphie qui ajoute une touche à la fois originale et sophistiquée. « On aurait pu décider de mettre des panneaux photovoltaïques en toiture comme on peut le voir souvent, mais on trouvait plus élégant d’utiliser cette technologie d’une autre façon, en l’intégrant au revêtement de façade », précise Sonia Gagné. Ce choix de libérer l’espace en toiture avait pour autre avantage de rendre celle-ci accessible aux usagers en plus de répondre aux exigences de verdissement du secteur, notamment en matière de superficies de toits verts à intégrer.
« On est aussi en train d’analyser avec les ingénieurs en structure différents types de mélanges de ciment afin de réduire l’impact carbone des éléments en béton », précise Guillaume Martel.
Un design à échelle humaine
Si le projet en est encore à la phase de conception, les croquis laissent déjà transparaître une signature visuelle forte. « Le Bloc 3 est important parce qu’il sera situé en tête de l’îlot, ce qui le rendra particulièrement visible dans le secteur », commente Sonia Gagné.
À la jonction des rues Molson et William-Tremblay, le bâtiment de quatre étages s’élèvera par paliers, formant des gradins végétalisés qui seront accessibles aux usagers. Cette forme inusitée laissera respirer la petite place paysagère déjà aménagée en coin de rue, donnant un effet d’ascension jusqu’au toit du bâtiment. « On voulait maintenir l’accès au soleil pour la place publique et les zones végétalisées. On ne voulait pas que ce soit obstrué par un mur de quatre étages », relate Guillaume Martel, rappelant que cet endroit contribue à la qualité de vie du quartier. La volumétrie privilégiée permettra également de respecter l’immeuble résidentiel situé juste à côté. Cette vision de jumeler des toits verts à une structure en bois a impliqué une demande de mesure équivalente à la Régie du bâtiment du Québec, actuellement sur les rails.
En jumelant innovation, développement durable et souci de l’expérience utilisateur, le Bloc 3 se raccorde ainsi parfaitement au reste du Technopôle Angus, tant dans son esprit que dans son implantation. « Oui, on voulait bâtir un bâtiment LEED et Carbone zéro, mais le défi était de ne pas en faire un insensible laboratoire opaque : on voulait concevoir un bâtiment avec une belle signature, un bâtiment vivant, optimisé, et qui se démarquerait aussi par son élégance », souligne Sonia Gagné. De quoi en faire une véritable locomotive pour l’avenir du bâtiment durable.