La deuxième innovation est le tablier en aluminium GuarDECKMC. Il s’agit d’un platelage en planches d’aluminium extrudé qui s’assemblent par des clips, sans soudure, et donc rapide à installer. « Ça réduit les incidences des travaux sur la circulation. Ça répond à l’ABC, pour accelerated bridge construction, un terme très connu dans le domaine de la construction », précise Alexandre de la Chevrotière. C’est avec ce tablier en aluminium qu’une passerelle reliant deux écoles de Lac-Brome a été rénovée. Sur une structure en acier encore en état, le platelage de bois arrivé en fin de vie a été remplacé par le système GuarDECKMC. Cette réalisation a valu à MAADI Group de remporter le premier prix de l’International Aluminum Extrusion Design Competition.
Un pont de Lac-Brome rénové avec un tablier en aluminium. – Photo : MAADI Group
On peut voir d’autres réalisations de MAADI Group au parc national des Îles-de-Boucherville, au Théâtre de la Dame de Cœur à Upton, sur la rivière Quinchien à Vaudreuil-Dorion, à la réserve du parc national de l’Archipel-de-Mingan… mais aussi et surtout dans le reste du Canada et aux États-Unis. En fait, depuis la création de MAADI Group, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et passerelles en aluminium… mais ces passerelles sont surtout à l’extérieur du Québec. « Quelque 80 % de notre chiffre d’affaires est réalisé aux États-Unis, 10 % en Ontario et ailleurs dans l’Ouest canadien. J’ai plus de succès dans le Canada anglais qu’au Québec », constate Alexandre de la Chevrotière. Il déplore notamment un manque d’ouverture de la part du ministère des Transports du Québec.
À Upton, une passerelle rapatriée d’une plateforme pétrolière en mer de Chine, modifiée par MAADI Group, a été installée sur la rivière Noire pour donner accès au Théâtre de la Dame de Cœur. – Photo : MAADI Group
L’immobilité du MTQ
Le président de MAADI Group a reçu des demandes de municipalités qui veulent greffer une passerelle cycliste sur un pont routier, comme il l’a déjà fait à Rocky Mount en Caroline du Nord. « On vient s’attacher sur les piles du pont avec des poutres en porte-à-faux. Le ministère a systématiquement refusé en disant qu’on ne peut pas s’accrocher sur les piles, déplore-t-il. Et c’est un scandale que dans un projet de 4 milliards de dollars comme le pont Champlain ou de 1 milliard comme le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, il n’y ait pas d’aluminium. Il aurait pu y avoir de l’aluminium dans les passerelles des pistes cyclables du pont et dans les paralumes du tunnel. » Pour lui, la Stratégie québécoise de développement de l’aluminium (SQDA) dans sa version 2015 ne tournait pas rond. « On veut créer une industrie, mais il faut des projets pour créer un écosystème qui tourne sur lui-même. Là, on a fait le contraire, on a fait la promotion de l’aluminium, mais sans vouloir d’aluminium, sans en mettre dans les appels d’offres », relate Alexandre de la Chevrotière. Il a cependant bon espoir que la situation change avec la révision de la SQDA qui prévoit des projets de démonstration pour les ponts et passerelles. « On avait produit un mémoire en octobre 2020 et tout ce qu’on avait mis dans notre mémoire a été inclus dans la nouvelle stratégie. Il y a de l’argent pour des projets de démonstration », se réjouit Alexandre de la Chevrotière.
Une passerelle en aluminium enjambe la rivière Quinchien à Vaudreuil-Dorion. – Photo : MAADI Group
Revoir les règles d’appels d’offres
Ces projets participeront aussi à faire la démonstration que sur le long terme, l’aluminium coûte moins cher que l’acier. Car si l’aluminium peine à s’immiscer dans les appels d’offres, c’est aussi parce que la règle du plus bas soumissionnaire pénalise d’entrée de jeu l’aluminium, plus cher à l’achat que l’acier. Pourtant, sur le cycle de vie d’une infrastructure, c’est l’aluminium qui est moins cher du fait qu’il nécessite moins d’entretien et qu’en fin de vie, le prix de revente de l’aluminium est plus élevé que celui de l’acier. Dans une étude de 2010, Deloitte en avait déjà fait la démonstration en comparant deux structures types en acier et en aluminium et en s’appuyant sur des données de MAADI Group et d’une étude précédente sur les coûts d’entretien d’une passerelle en acier. « Le coût à l’achat est un peu plus cher, mais quand on regarde les coûts d’entretien, de maintenance, de peinture, de sablage de l’acier qu’on doit faire tous les vingt-cinq ans par rapport à l’aluminium qui dure soixante-quinze ans minimum, autant en matière d’empreinte environnementale que de coût total de possession, l’aluminium sort pratiquement toujours gagnant », confirme François Racine, président de la grappe industrielle AluQuébec, qui ajoute qu’un répertoire des passerelles en aluminium conçues ou fabriquées au Québec est disponible.
Pont à déploiement rapide pour des usages militaires ou des urgences civiles. – Photo : MAADI Group
Dans une étude publiée en juin 2020, MAADI Group a fait la comparaison des coûts d’entretien de deux passerelles en acier et en aluminium, toutes deux en bordure du fleuve Saint-Laurent. À Longueuil, la passerelle Marigot a été construite en acier en 1988 et elle a subi pour 814 000 dollars d’entretien. À Verdun, la passerelle de la marina en aluminium ne date que de 2002, mais après dix-neuf ans de service, elle ne montre aucun signe d’usure et n’a nécessité aucun travail d’entretien. C’est donc le coût total de possession (CTP), et non uniquement le coût d’acquisition, qui devrait guider l’octroi des contrats. Cela constituait déjà une mesure de la première version de la SQDA. Cette mesure devait amener le gouvernement à revoir les procédures d’appels d’offres en considérant le CTP. « Il n’y a pas eu d’amélioration de ce côté-là depuis 2016 », constate Alexandre de la Chevrotière. Le CTP est l’un des chevaux de bataille d’AluQuébec, qui finalise une autre étude démontrant les avantages économiques de l’aluminium. « On veut se servir de ces outils pour sensibiliser les donneurs d’ordre et faire changer la règle du plus bas soumissionnaire qui est un frein à l’innovation », confie François Racine.
Cette règle est aussi un frein à l’application des principes du développement durable, car s’il est un matériau qui dure longtemps, c’est bien l’aluminium, mais la vision court-termiste de la règle du plus bas soumissionnaire n’a pas encore intégré ce volet du développement durable.