Par exemple, en France, le cimentier Ciments Calcia et le fabricant de béton préfabriqué Alkern se sont associés pour développer le Naturbloc Miscanthus. Il s’agit d’un bloc de béton contenant 60 % de broyats de miscanthus pouvant être utilisé comme bloc porteur pour ériger des murs. Selon le fabricant, 1 m2 de mur renfermerait alors 18 kg de matière biosourcée. Les deux entreprises avaient d’ailleurs déjà fabriqué le Naturbloc Bois avec des résidus de palettes de bois et ces blocs ont pris place dans un projet de 46 logements à Chanteloup-en-Brie.
Dans un tout autre domaine et plus près de nous, Mathieu Robert, professeur au Département de génie civil de l’Université de Sherbrooke, a montré dans un projet de recherche que des broyats de tiges de miscanthus géant ou de panic érigé pouvaient être combinés avec du polyéthylène de haute densité (HDPE) pour produire des granules composites. Ces granules peuvent ensuite être moulés ou extrudés en vue d’applications diverses, notamment dans le secteur de la construction pour fabriquer des panneaux ou des membranes. Les habitués du Rendez-vous des écomatériaux se souviendront peut-être que ce même M. Robert était venu présenter à l’édition de 2017 la fabrication de membranes pare-vapeur 100 % végétales à partir de résidus de carottes (FORMES, vol. 13, no 2). En collaboration avec le RPBQ, il poursuit maintenant des recherches pour montrer le potentiel de ces plantes en renforcement des plastiques. À l’initiative du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB-INNOV) et de partenaires universitaires et industriels, le Centre de recherche sur les grains (CÉROM) travaille aussi sur la caractérisation de fibres agricoles pour l’élaboration d’écomatériaux destinés à la construction.
Cultiver le miscanthus et le panic érigé au Québec
Même si elles viennent de contrées plus chaudes, ces plantes s’accommodent bien du climat québécois. Il se cultive environ 1 200 ha de panic érigé et 300 ha de miscanthus, essentiellement pour produire de la paille pour la litière animale et du paillis pour les cultures. « Pour d’autres usages et pour ne pas concurrencer la production alimentaire, la solution est de cultiver ces plantes sur des terres en friche et d’élargir les bandes riveraines », indique Snizhana Olishevska. Le RPBQ a déjà conduit des essais avec différentes variétés et dans diverses régions du Québec. Des rendements de 8 à 12 t/ha.an ont été obtenus pour le panic érigé et de 18 à 25 t/ha.an pour le miscanthus géant. Partant de ces travaux de recherche, il serait possible de conseiller les producteurs agricoles sur la meilleure variété à utiliser en fonction de leurs conditions de sol et de climat et d’estimer la superficie à mettre en culture pour répondre au besoin d’un industriel.
Transformation de plantes en béton. Photo : Life of Pix.
Maillage agro-industriel
Le défi est d’identifier les industriels et les agriculteurs prêts à se lancer dans l’aventure du miscanthus géant ou du panic érigé. « L’industrie demande que les superficies cultivées soient assez grandes pour l’approvisionner, et les agriculteurs demandent que le marché soit déjà là », commente Snizhana Olishevska. Pour écouler sa production, l’industriel voudra aussi s’assurer que le marché soit du côté des constructeurs et des architectes. « Mon mandat est d’explorer le marché potentiel et de trouver les partenaires industriels intéressés à développer les écomatériaux », poursuit Mme Olishevska. Idéalement, l’usine serait construite à proximité des cultures pour réduire les coûts économiques et environnementaux liés au transport de la biomasse récoltée.
C’est aussi ce qui permettrait le développement d’une bioéconomie régionale.