Vers une enveloppe du bâtiment entièrement biosourcée Renaud Drissen-Robert

Les pratiques courantes de construction misent sur plusieurs matériaux d’enveloppe qui sont issus de la pétrochimie. Les préoccupations environnementales grandissantes poussent néanmoins au développement de produits à plus faible impact environnemental. Les matériaux de construction biosourcés, issus de la biomasse végétale ou animale, sont des solutions intéressantes, notamment pour le Québec qui possède un territoire riche en biomasses potentiellement utilisables dans ces matériaux.

À la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) de l’Université Laval, des étudiants-chercheurs travaillent au développement de tels produits biosourcés destinés à l’enveloppe du bâtiment. C’est le cas des travaux de trois doctorants qui portent sur le développement d’un isolant, d’une membrane pare-vapeur et d’une membrane pare-intempérie à fort contenu biosourcé, rivalisant avec la performance des matériaux traditionnels. Ces projets intègrent plus précisément des filaments de cellulose provenant de l’entreprise Kruger Biomatériaux, un partenaire de recherche de la Chaire.

Ces filaments de cellulose sont produits en séparant les fibres de pâte de kraft pour en faire des fibres de taille nanométrique. Leur usage dans les produits de l’enveloppe confère plusieurs avantages environnementaux liés au fait que c’est un coproduit local, renouvelable et biodégradable en fin de vie. Les propriétés physiques de ces filaments contribuent également à en augmenter la résistance mécanique. Toutefois, leur caractère hygroscopique et hydrophile complique leur intégration dans les matériaux d’enveloppe.

Figure 1.  Images des filaments de cellulose obtenues au microscope électronique à balayage (MEB). – Source : Renaud Drissen-Robert

 

Pour contrer ce problème, les travaux de Masoud Dadras ont porté sur la modification hydrophobe des filaments de cellulose (figure 1) pour des applications de barrière à la vapeur d’eau. Afin d’améliorer la dispersion des fibres et augmenter l’adhérence interfaciale entre les fibres et la matrice polymère, les filaments de cellulose ont été modifiés en laboratoire selon deux méthodes (figure 2). La cellulose a ensuite été mélangée, en différentes quantités, à des granules d’acide polylactique (PLA) dissous. Les premiers résultats indiquent que l’hydrophobicité des fibres a considérablement augmenté après la modification, démontrant que les fibres de cellulose sont des renforts prometteurs pour améliorer les propriétés de ce type de composites.

C’est sur le développement d’une membrane pare-intempérie à fort contenu biosourcé que portent les travaux de Renaud Drissen-Robert. Son projet de doctorat a pour objectif de développer un procédé permettant la production d’une membrane performante intégrant une proportion significative de filaments de cellulose. Des étapes distinctes jalonnent ce projet de recherche. Dans un premier temps, le procédé de fabrication d’un mince film de filaments de cellulose a été étudié. Les résultats obtenus à cette étape démontrent que les propriétés physiques et mécaniques d’un film constitué à 100 % de filaments de cellulose sont significativement influencées par les différentes variables et étapes impliquées dans le procédé de fabrication.

Figure 2.  Les composites à base de PLA ont été préparés avec différentes quantités de filaments de cellulose non traités et modifiés. Les CMF modifiés se sont dispersés uniformément dans la matrice PLA. – Source : Masoud Dadras

 

Suivant les conclusions apportées par cette première étape, différents concepts de membrane pare-intempérie (figure 3) incorporant un mince film de filaments seront élaborés et étudiés afin de s’assurer qu’un produit intégrant une proportion significative de matériaux biosourcés présente une performance optimale et répond au besoin de l’industrie. La résistance à l’eau, la perméance à la vapeur d’eau, l’étanchéité à l’air et la durabilité sont toutes des propriétés caractéristiques d’une membrane pare-intempérie. La performance des prototypes de membranes vis-à-vis ces propriétés sera évaluée selon les normes du marché tout au long du projet de recherche.

Figure 3.  Les diverses étapes de formation d’un mince film en filament de cellulose, couche de renfort pour membrane pare-intempérie biosourcée. – Source : Renaud Drissen-Robert

 

Les produits isolants ont aussi tout à gagner à devenir plus verts. Manon Beaufils-Marquet travaille de son côté à réduire l’impact environnemental de la mousse polyuréthane (figure 4), un isolant bien apprécié en raison de ses propriétés, mais qui est issu de la pétrochimie. À ce jour, la doctorante a réussi à reproduire une mousse polyuréthane qui intègre des filaments de cellulose en proportions variables. Les propriétés de l’isolant en développement sont conformes aux normes associées. Toutefois, ses travaux montrent, tout comme dans ceux de Masoud Dadras, qu’il serait préférable de modifier chimiquement la cellulose. Cela permettrait d’accroître les propriétés du matériau, la proportion de cellulose et, ainsi, de diminuer l’impact environnemental pour un produit futur viable économiquement.

Figure 4.  Aperçu de la mousse polyuréthane intégrant la cellulose. – Source : Manon Beaufils-Marquet

 

Enfin, ces trois projets de recherche démontrent le potentiel des filaments de cellulose, pour une plus grande intégration de matériaux biosourcés dans la paroi du bâtiment. En plus de valoriser une matière première abondante au Québec, ces produits amélioreront l’empreinte carbone de l’industrie de la construction qui doit répondre à de nouvelles contraintes économiques, environnementales et sociétales.


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