La création des deux mégahôpitaux universitaires à Montréal, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM, 2014) et le CHUM, 2017, a permis la réalisation d’un nombre inégalé d’œuvres d’art public. En réunissant les deux complexes de santé, l’on retrouve 28 œuvres dont certaines atteignent le budget d’un million de dollars.
Contrairement au CUSM qui occupe le terrain d’une ancienne gare de triage, le CHUM est construit à l’intérieur d’un quadrilatère restreint du centre-ville de Montréal. Ce facteur fait en sorte que les enjeux reliés à l’intégration d’œuvres d’art au CHUM se posent différemment qu’au CUSM. Aux sculptures flamboyantes et signalétiques du vaste site Glen (Linda Covit, Michel Saulnier, Cooke-Sasseville) se déploient au CHUM des œuvres à caractère plus intimiste et, en général, de format plus réduit (Karilee Fuglem, Jean-Philippe Roy, Klaus Scherübel, Henri Venne). De même, l’exiguïté du terrain du CHUM et son emplacement en zone urbaine densifiée ont favorisé l’utilisation de la vitrine sur rue ou du mur-rideau comme support artistique. C’est le cas du duo Doyon-Rivest qui a conçu l’œuvre phare du nouvel hôpital : La vie en montagne.
Œuvre phare du CHUM conçue par le tandem Doyon-Rivest intitulé La vie en montagne. La pièce réalisée par un procédé d’impression sur verre recouvre 2 610 mètres carrés de l’une des façades du CHUM, rue Saint-Denis. Photo : Adrien Williams
Cette création est l’intervention sur verre la plus importante dans l’histoire québécoise de la politique du 1 %. Imprimés selon la technique d’impression à encre vitrocéramique, 15 000 mots, dessins et pictogrammes forment 5 représentations en tondo de montagnes. Trois d’entre elles sont exécutées à l’endroit et 2 à l’envers. Visible de l’intérieur et de l’extérieur, la pièce de 2 610 mètres carrés couvre 8 étages de l’immeuble principal, rue Saint-Denis. Sur le plan symbolique, la montagne incarne pour les auteurs la durée, les défis à relever, mais aussi la spiritualité. Dans toutes les religions, notent-ils, la montagne est présente. Elle peut signifier autant la stabilité que l’immutabilité, l’ascension et la quête de soi. À remarquer également la représentation électrocardiographique du cœur vivant dans le dessin stylisé des montagnes. Cette analogie se veut un instantané de vie, le reflet électrique du parcours du cœur, organe vital de la biologie humaine.
Imaginée par Nicolas Baier, l’œuvre Ligne de vie s’intègre à une balustrade traversant le rez-de-chaussée du CHUM sur 180 mètres. Grâce à des lumières DEL et un dispositif numérique, l’ouvrage simule en quatre minutes le parcours en mouvement d’un électrocardiogramme. Photo : Christopher Barrett
L’électrocardiogramme comme métasymbole médical caractérise également l’œuvre de Nicolas Baier intitulée Ligne de vie. Sur une longueur de 180 mètres, un trait lumineux en mouvement s’intègre à une balustrade. Le tracé de lumière traverse en quatre minutes différentes aires du rez-de-chaussée de l’hôpital. Le spectateur suit le dessin qui simule sur son passage une ligne de vie. La reproduction du signal lumineux est générée grâce à des lumières DEL disposées à l’arrière d’une longue toile blanche recouvrant le bandeau architectural. L’idée est intéressante. Sur le plan symbolique, la ligne de cœur devient une ligne de vie symbolisant les multiples mutations de la destinée humaine. Bien qu’élaborée à partir de matériel électronique, l’œuvre est d’une grande sobriété. Le tracé lumineux blanc se confond avec la couleur blanchâtre de la surface de la balustrade. Le spectateur doit être attentif, car le parcours du dessin est rapide et furtif.
La résonance des corps, une installation sonore de Catherine Béchard et Sabin Hudon dans le clocher conservé et restauré de l’ancienne église Saint-Sauveur. Photo : Adrien Williams
Une autre œuvre se distingue par son originalité et son innovation : il s’agit de La résonance des corps de Catherine Béchard et de Sabin Hudon. Première œuvre sonore dans l’histoire de la politique d’intégration des arts depuis 1961, l’installation prend place dans le clocher sauvegardé de l’église Saint-Sauveur. Elle se compose de trois sculptures en aluminium qui agissent comme résonateurs. Derrière elles sont dissimulés des haut-parleurs diffusant des sons grâce à un dispositif électronique et audio multicanal. Les courbes et les ondulations des trois sculptures émettrices représentent le mouvement des ondes sonores qui se propagent dans l’espace. L’œuvre prend en compte l’essence de l’endroit, les subtilités acoustiques provenant de son architecture, son espace, ses volumes et de sa matérialité. Dans ce nouveau lieu, la forte résonance des cloches du passé cède le pas à l’émission de sons subtils, aériens faisant écho à la vocation de recueillement de l’institution.
Cinq structures en béton coloré et perforé laissent percevoir la lumière de milliers de fibres optiques. L’œuvre titrée La traversée des lucioles a été produite par Louise Viger et fait écho avec l’architecture intérieure du complexe hospitalier. Photo : Adrien Williams
D’autres réalisations sont à mentionner dont La traversée des lucioles de Louise Viger, artiste maintenant décédée. Fabriquée de cinq structures étagées de béton bleu, l’œuvre aux multiples perforations contient en ses volumes des milliers de fibres optiques lumineuses. L’ouvrage se veut un rappel des lucioles utilisées comme éclairage par Jeanne Mance dans la première lampe d’autel au début de la colonie. Cofondatrice de Montréal, elle crée en 1645 l’Hôtel-Dieu. L’œuvre rend hommage à cette grande pionnière, à cette bâtisseuse émérite et première infirmière laïque au Canada. Agencée en angles inégaux et en hauteur, la composition impose une dynamique en harmonie avec l’architecture intérieure.
L’une des sept sculptures-bancs de Cynthia Dinan-Mitchell installée dans l’un des espaces dédiés aux visiteurs. Photos : Christian Brault
Soulignons également les 14 sculptures-bancs réalisées par deux différents créateurs et réparties principalement dans les espaces des visiteurs du 8e au 17e étage. Intitulés Néo-baroque, les sept bancs de Cynthia Dinan-Mitchell sont fabriqués en aluminium brossé et ajouré et certains d’entre eux illustrent des motifs de plantes du Québec. En ce qui a trait à Yannick Pouliot, son œuvre Confort moderne propose une série de bancs sans dossier recouverts de verre trempé laissant percevoir des tissus d’inspiration anglaise. Libre aux personnes de s’y asseoir ou de les contempler.