Oui dans ma cour  ! The Rise, Vancouver – Vivre en ville

Dans un contexte où de plus en plus de projets d’aménagement semblent contestés, une nouvelle obligation tend à s’imposer aux promoteurs immobiliers, soit celle de comprendre et de maîtriser les conditions d’acceptabilité sociale de leurs projets.

En effet, à l’heure actuelle, tout projet entraînant un changement important dans une collectivité requiert une ouverture en matière de transparence et d’adaptabilité au contexte local. Plus éduqués et mieux informés, les citoyens ne se satisfont plus des projets conçus en vase clos pour ensuite être introduits dans leur voisinage sans démontrer de responsabilité envers les problématiques sociales, environnementales et bâties de leur collectivité.

 

Arbutus Walk, Vancouver, Colombie-Britannique, Canada 
Un des moments décisifs dans l’avancement de ce projet a été la tenue d’une charrette de design en compagnie d’architectes d’expérience. Les ajustements qui en ont découlé ont fait gagner des appuis au projet, notamment en ce qui a trait à la hauteur des bâtiments. Source : Vivre en Ville, 2012

Bien que l’acceptabilité sociale puisse être lente à construire, la cristallisation des oppositions est difficile à renverser et peut nuire à la réalisation d’un projet immobilier. Trop souvent, les promoteurs repoussent l’idée de se positionner sur le plan de l’acceptabilité sociale jusqu’au moment où ils s’y trouvent confrontés et qu’ils soient contraints à dénouer une impasse. Bien des projets sont ainsi révisés ou abandonnés, faute d’avoir évalué leur ancrage avec les aspirations locales. Pourtant, tout indique que c’est en amont des projets que peut s’établir la légitimité, la crédibilité et la confiance qui sont les appuis nécessaires à la mise en œuvre de l’acceptabilité sociale de ces projets.


Considérer les émotions dans l’opinion publique

Les enjeux entourant l’opinion publique des projets immobiliers sont souvent de nature émotive et les arguments scientifiques, techniques et rationnels matière à susciter le débat. Ce débat rejoint, aujourd’hui, une plus grande partie de la population puisqu’il est soutenu par une panoplie de médias classiques et informatiques qui en accélèrent rapidement la diffusion et l’engouement. Lorsque l’opinion publique se cristallise en opposition, elle doit être accueillie, évaluée et non pas réduite au jugement de valeur négatif et souvent caricaturé de NIMBY (Not In My Back Yard). Les émotions doivent donc être considérées au sein des groupes mobilisés, car elles influencent l’action collective et ne sont pas systématiquement un empêchement à la pensée rationnelle.




Highlands Garden Village, Denver, Colorado, États-Unis. Ce projet, enrichi par la participation citoyenne, a été mis en œuvre par le promoteur Perry Rose, affilié aux Jonathan Rose Companies. La Denver Urban Renewal Authority a contribué à sa réalisation en facilitant l’élaboration de la vision d’ensemble et du design du projet. Différentes activités ont permis aux parties prenantes de participer à l’élaboration du concept et d’émettre leurs appréciations sur l’architecture des bâtiments. Source : Vivre en ville, 2012

En matière d’acceptabilité sociale, il n’est pas à l’avantage du promoteur d’un projet de faire abstraction des préjugés et des perceptions de la collectivité, qu’ils soient fondés ou non. Il faudra plutôt démontrer une volonté de comprendre les préoccupations locales, d’en tenir compte et d’avoir une réelle capacité d’adapter le projet. La résultante du comportement contraire risquerait de provoquer une perception d’injustice, un lot de protestations et la dégradation de la qualité des relations avec la communauté de proximité. Ainsi, les promoteurs ont intérêt à favoriser les attitudes positives envers les projets par la mise en place d’une communication bidirectionnelle dans laquelle il sera possible de « mettre à l’épreuve » l’utilité et la nécessité du projet ainsi que les intentions du promoteur. En créant un environnement et des pratiques de consultation propices à la participation publique, le promoteur ouvre la voie à une réelle occasion de participer aux balises du projet. Bien qu’il puisse arriver que cette démarche fasse l’objet d’un accueil mitigé, cet acte de reconnaissance est un jalon important des conditions de sa crédibilité.

Anticiper les enjeux : la communication de l’acceptabilité sociale

Jusqu’à récemment, la pertinence des projets immobiliers reposait surtout sur la démonstration de leur rentabilité ainsi que de leur apport à l’activité économique. Cette approche est révolue. Les promoteurs ont maintenant un rôle important à jouer en matière de communication pour accompagner les qualités techniques de leurs projets. Bien qu’une bonne communication ne soit pas le gage de la pleine réussite d’un projet, son absence pourrait susciter le doute des groupes plus sceptiques face à la construction du projet et un risque potentiel de désinformation, ce qui est rarement à l’avantage des promoteurs. De façon consensuelle, il est établi que la communication en amont favorise l’acceptabilité sociale des projets pourvu qu’elle dépasse son rôle d’information technique et formelle et qu’elle n’emprunte pas la voie de la persuasion.

À cet effet, la communication de l’acceptabilité devrait débuter par une phase d’écoute en respect des interlocuteurs, et ce, le plus tôt possible. Certains promoteurs jugeront qu’il s’agit d’une perte de temps et de pouvoir sur la réalisation de leurs projets. Cependant, ce dialogue avec le public vient délimiter l’ouverture et la marge de manœuvre au sein de laquelle le projet pourra évoluer et ultimement être mis en œuvre. Ce constat est fondamental puisqu’il permet de répertorier les attentes, leur poids dans l’acceptabilité du projet et conséquemment les enjeux ou les délais auxquels le promoteur devra faire face. Les promoteurs ont donc avantage à inscrire leurs projets dans une démarche proactive leur permettant d’établir leur leadership et de se doter de mécanismes d’évaluation avant que n’apparaissent les différends.



Après des années d’immobilisme, les organismes publics et le promoteur, sous la gouverne de Peter Katz, consultant principal en design urbain, ont mis en œuvre une démarche collaborative avec un groupe consultatif de citoyens dans le but de dénouer l’impasse sur un plan de développement pour la zone de la station multimodale Contra Costa de la baie de San Francisco. Le processus de charrette de design collaboratif a permis de s’entendre sur un plan de développement précis qui répondait aux objectifs des différentes parties prenantes. Source : Peter Katz

Pour bâtir sa crédibilité et la confiance du public concerné, le promoteur devrait miser sur une information franche et directe des enjeux qui touchent directement les gens. Il devrait reconnaître qu’il est conscient des impacts réels du projet sur le milieu d’insertion plutôt que de les minimiser. Une communication trop élogieuse et unilatéralement positive sera perçue comme insensible et en décalage avec les préoccupations des citoyens soucieux de connaître ce qu’il adviendra de leurs repères dans le voisinage. Les études réalisées dans les différentes phases du projet devraient être rendues disponibles pour échanger ouvertement sur les conséquences de la construction du projet. Cette démarche s’inscrit, d’une part, dans un processus d’information transparent, clair et complet, et d’autre part, dans une stratégie de communication qui concourt à l’élaboration du projet.

Valoriser une bonne gouvernance : un pas vers l’acceptabilité sociale

Se positionner comme un bon citoyen corporatif, à l’échelle locale, permet d’accroître la réputation de l’entreprise. Communiquer de bonnes pratiques de gouvernance met en valeur les efforts consentis par le promoteur et favorise des conditions facilitantes dans la relation avec les parties prenantes.

En matière de gouvernance, le processus d’acceptabilité sociale a plus de chance de succès s’il est facilité par un tiers impartial. Il s’inscrit au sein d’une démarche qui comprend des étapes clés permettant de construire un consensus à travers le débat. L’application d’une démarche d’acceptabilité sociale n’est pas sans défis. Il faut, au préalable, mesurer si les conditions sont favorables au dialogue et au partage des connaissances, sans quoi le risque de ne pas générer de solutions mutuellement satisfaisantes devient trop important.

C’est pourquoi la définition des parties prenantes ainsi que leur niveau d’intérêt et d’influence est primordiale. Il s’agit d’une étape stratégique qui repose sur une saine gestion du processus qui se déroulera par la suite et dans lequel on viendra s’entendre sur le déroulement des activités. Lorsque les intérêts en présence sont bien identifiés et représentés, la démarche peut ainsi être considérée comme légitime.

Enfin, bien que la diffusion d’une information complète et exacte soit un incontournable au succès d’un véritable dialogue, le contact personnel demeure essentiel pour établir un lien de confiance. Il permet d’évaluer et de réévaluer l’acceptabilité du projet durant toutes les étapes de participation. Ainsi, le promoteur devrait donc non seulement attacher une communication en continu à la démarche, mais, également, assurer sa présence au sein de la collectivité. Dans cette optique, et lorsqu’il devient opportun de faire place à l’action, les efforts de communication doivent se poursuivre quant à la logique derrière la prise de décision à l’endroit du projet. Le déploiement d’une telle reddition de compte viendra démontrer en quoi et comment les éléments issus des discussions ont été pris en compte, et ce, même – et surtout – si la décision va dans le sens de préserver certains des intérêts du promoteur. 


Bibliographie
ARBOUR, Myriam. Le point de vue des parties prenantes sur les processus de consultation dans une démarche d’acceptabilité sociale de projets urbains : exemples de deux cas montréalais, Mémoire, Montréal, Université du Québec à Montréal [PDF], 2016, 174 p.
BATELLIER, Pierre et Marie-Ève MAILLÉ. L’acceptabilité sociale : sans oui, c’est non, Montréal, Les Éditions Écosociété, 2017, 304 p.
BATELLIER, Pierre et Lucie SAUVÉ. « La mobilisation des citoyens autour du gaz de schiste au Québec : les leçons à tirer », Gestion, vol. 36, n° 2, 2011, p. 49-58. [https://www.cairn.info/revue-gestion-2011-2-page-49.htm]
BÉNARD, Jacques. « Dénouer l’impasse. La médiation dans les conflits publics en aménagement du territoire », Urbanité, été 2012, 2012, p. 30-31.
CARBONNEAU, Carl. Le projet urbain à l’ère de l’acceptabilité sociale : les tenants et aboutissants de la gestion des parties prenantes au fil du cycle de vie des projets, Mémoire, Montréal, Université du Québec à Montréal [PDF], 2014, 192 p.
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GENDRON, Corinne, Stéphanie YATES et Bernard MOTULSKY. « L’acceptabilité sociale. Les décideurs publics et l’environnement : légitimité et défis du pouvoir exécutif », VertigO, vol. 16, n° 1, 2016, p. 2-23.
GENDRON, Corinne. « Penser l’acceptabilité sociale : au-delà de l’intérêt, les valeurs », Communiquer, vol. 11, 2014, p. 117-129.
LAVOIE-ISEBAERT, Anouk. Proposition d’une stratégie en matière d’acceptabilité sociale à l’intention du gouvernement québécois, Mémoire, Sherbrooke, Université de Sherbrooke, 2016, 85 p.
LIBAERT, Thierry. « Faire accepter un projet : principes et méthodes », Communication et langages, n° 117, 3e trimestre, 1998, p. 76-90.
RAUFFLET, Emmanuel. « De l’acceptabilité sociale au développement local résilient », VertigO, vol. 14, n° 2, 2014. [http://journals.openedition.org/vertigo/15139 ; DOI : 10.4000/vertigo.15139]

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