Anticiper les enjeux : la communication de l’acceptabilité sociale
Jusqu’à récemment, la pertinence des projets immobiliers reposait surtout sur la démonstration de leur rentabilité ainsi que de leur apport à l’activité économique. Cette approche est révolue. Les promoteurs ont maintenant un rôle important à jouer en matière de communication pour accompagner les qualités techniques de leurs projets. Bien qu’une bonne communication ne soit pas le gage de la pleine réussite d’un projet, son absence pourrait susciter le doute des groupes plus sceptiques face à la construction du projet et un risque potentiel de désinformation, ce qui est rarement à l’avantage des promoteurs. De façon consensuelle, il est établi que la communication en amont favorise l’acceptabilité sociale des projets pourvu qu’elle dépasse son rôle d’information technique et formelle et qu’elle n’emprunte pas la voie de la persuasion.
À cet effet, la communication de l’acceptabilité devrait débuter par une phase d’écoute en respect des interlocuteurs, et ce, le plus tôt possible. Certains promoteurs jugeront qu’il s’agit d’une perte de temps et de pouvoir sur la réalisation de leurs projets. Cependant, ce dialogue avec le public vient délimiter l’ouverture et la marge de manœuvre au sein de laquelle le projet pourra évoluer et ultimement être mis en œuvre. Ce constat est fondamental puisqu’il permet de répertorier les attentes, leur poids dans l’acceptabilité du projet et conséquemment les enjeux ou les délais auxquels le promoteur devra faire face. Les promoteurs ont donc avantage à inscrire leurs projets dans une démarche proactive leur permettant d’établir leur leadership et de se doter de mécanismes d’évaluation avant que n’apparaissent les différends.
Après des années d’immobilisme, les organismes publics et le promoteur, sous la gouverne de Peter Katz, consultant principal en design urbain, ont mis en œuvre une démarche collaborative avec un groupe consultatif de citoyens dans le but de dénouer l’impasse sur un plan de développement pour la zone de la station multimodale Contra Costa de la baie de San Francisco. Le processus de charrette de design collaboratif a permis de s’entendre sur un plan de développement précis qui répondait aux objectifs des différentes parties prenantes. Source : Peter Katz
Pour bâtir sa crédibilité et la confiance du public concerné, le promoteur devrait miser sur une information franche et directe des enjeux qui touchent directement les gens. Il devrait reconnaître qu’il est conscient des impacts réels du projet sur le milieu d’insertion plutôt que de les minimiser. Une communication trop élogieuse et unilatéralement positive sera perçue comme insensible et en décalage avec les préoccupations des citoyens soucieux de connaître ce qu’il adviendra de leurs repères dans le voisinage. Les études réalisées dans les différentes phases du projet devraient être rendues disponibles pour échanger ouvertement sur les conséquences de la construction du projet. Cette démarche s’inscrit, d’une part, dans un processus d’information transparent, clair et complet, et d’autre part, dans une stratégie de communication qui concourt à l’élaboration du projet.
Valoriser une bonne gouvernance : un pas vers l’acceptabilité sociale
Se positionner comme un bon citoyen corporatif, à l’échelle locale, permet d’accroître la réputation de l’entreprise. Communiquer de bonnes pratiques de gouvernance met en valeur les efforts consentis par le promoteur et favorise des conditions facilitantes dans la relation avec les parties prenantes.
En matière de gouvernance, le processus d’acceptabilité sociale a plus de chance de succès s’il est facilité par un tiers impartial. Il s’inscrit au sein d’une démarche qui comprend des étapes clés permettant de construire un consensus à travers le débat. L’application d’une démarche d’acceptabilité sociale n’est pas sans défis. Il faut, au préalable, mesurer si les conditions sont favorables au dialogue et au partage des connaissances, sans quoi le risque de ne pas générer de solutions mutuellement satisfaisantes devient trop important.
C’est pourquoi la définition des parties prenantes ainsi que leur niveau d’intérêt et d’influence est primordiale. Il s’agit d’une étape stratégique qui repose sur une saine gestion du processus qui se déroulera par la suite et dans lequel on viendra s’entendre sur le déroulement des activités. Lorsque les intérêts en présence sont bien identifiés et représentés, la démarche peut ainsi être considérée comme légitime.
Enfin, bien que la diffusion d’une information complète et exacte soit un incontournable au succès d’un véritable dialogue, le contact personnel demeure essentiel pour établir un lien de confiance. Il permet d’évaluer et de réévaluer l’acceptabilité du projet durant toutes les étapes de participation. Ainsi, le promoteur devrait donc non seulement attacher une communication en continu à la démarche, mais, également, assurer sa présence au sein de la collectivité. Dans cette optique, et lorsqu’il devient opportun de faire place à l’action, les efforts de communication doivent se poursuivre quant à la logique derrière la prise de décision à l’endroit du projet. Le déploiement d’une telle reddition de compte viendra démontrer en quoi et comment les éléments issus des discussions ont été pris en compte, et ce, même – et surtout – si la décision va dans le sens de préserver certains des intérêts du promoteur.
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